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LA CHANSON DE ROLAND.

De ſon avoir me veut donner grand’maſſe,
Ours & lions, lévriers enchaînables,
Sept cents chameaux & mille autours muables,
Quatre cents mules qu’il charge d’or arabe,
Cinquante chars, ou même davantage.
Mais il me mande qu’en France je m’en aille ;
Il me ſuivra à Aix, ma capitale,
Et recevra notre loi ſainte & ſage.
Sera chrétien, de moi tiendra ſes marches.
Mais je ne fais quel en eſt ſon courage. »
Les Français diſent : « Il convient prendre garde. »


XIV (i-e).

L’empereur Charles a ſes raiſons finies.
Roland le comte, qui guère ne les priſe,
Sur pieds ſe dreſſe, & vient y contredire.
Il dit au Roi : « À tort croirez Marſile.
Depuis ſept ans qu’en Eſpagne nous vînmes,
Je vous conquis & Noples & Commibles,
J’ai pris Valterne & la terre de Pine,
Et Balaguer, & Tüele & Sézile.
Toujours en traître agit le Roi Marſile.
De ſes païens il vous envoya quinze ;
Chacun portait une branche d’olive ;
Mêmes paroles par eux vous furent dites.
De vos Français le conſeil vous en prîtes ;
On vous loua de faire une folie.
Deux de vos comtes au païen vous tranſmîtes,
L’un fut Baſan, & l’autre fut Baſile.
Il prit leurs têtes au mont deſſous Haltile.
Faites la guerre, puiſqu’elle eſt entrepriſe ;
Menez vos bans armés contre leur ville,