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croisade contre les albigeois.

planchers et ruiné les maisons ; et ils ont chassé les Français de telle sorte qu’ils se sont tous réfugiés dans le donjon du château. » [2950] À cette nouvelle, le roi fut peu satisfait ; il se rend aussitôt auprès des consuls de Toulouse et leur a recommandé en son nom de laisser en paix les hommes de Muret : « Si nous les prenions, nous ferions folie, [2955] car j’ai eu brefs scellés portant que Simon de Montfort viendra demain en armes. Et quand il sera entré et enserré là-dedans, que Nuno mon cousin[1] sera arrivé ici, alors nous assiégerons la ville de toutes parts, [2960] et nous prendrons les Français et tous les croisés de telle sorte que jamais leur perte ne sera réparée ; puis Parage sera partout remis en splendeur, au lieu que si nous prenions maintenant ceux qui sont enfermés [dans le château de Muret], Simon s’en fuirait par les autres comtés ; [2965] et si nous nous mettons à sa poursuite, notre peine sera double.

  1. Nunyo en aragonais, Nuño en espagnol. Il était fils de D. Sanche, comte de Roussillon et de Cerdagne, et petit-fils de Raimon Berenger IV, roi d’Aragon, le père de Pierre II ; par conséquent cousin-germain de ce dernier. L’espoir qu’exprime ici le roi fut déçu. Nunyo Sanchez avait annoncé son arrivée, mais le roi, selon ce que nous apprend la chronique de Jacme I d’Aragon, ne voulut pas l’attendre. Il arriva sans doute après la bataille de Muret, car Jacme nous le montre alors guerroyant contre les Français du côté de Narbonne (ch. IX, éd. Aguiló, p. 17). Plus tard, devenu comte de Roussillon à la mort de son père (vers 1222), Nunyo s’allia à Louis VIII contre les Albigeois (1226). L’époque la plus brillante de sa vie fut celle où il prit une part importante à la conquête des Baléares et de Valence. Il mourut en 1241 (voy. Art de vér. les dates, II, 335-6 ; J.-M. Quadrado, Historia de la Conquista de Mallorca, Palma, 1852, p. 403-4). Aimeric de Belenoi composa en son honneur une complainte : « Ailas ! per que viu lonjamen ni dura » (Diez, Leben u. Werke d. Troubadours, p. 557 ; Milá y Fontanals, Trovadores en España, p. 193-6).