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croisade contre les albigeois.

me conviendra : [3570] le Venaissin, et la terre qui appartenait à l’empereur[1]. Et s’il se montre dévoué à Dieu et à l’Église sa mère, s’il n’est envers eux ni orgueilleux ni traître, Dieu lui rendra Toulouse et Agen et Beaucaire. » L’abbé de Beaulieu[2] parla ainsi : « Sire, toi qui nous éclaires, [3575] ton fils le roi d’Angleterre, ton fidèle ami, qui s’est fait ton homme, et t’aime d’un cœur sincère, t’a envoyé son sceau, et un messager chargé de ses paroles, pour qu’il te souvienne de Merci, et du jugement de Darius[3]. Que ta réponse le comble d’une joie dont son cœur s’illumine ! — [3580] Abbé, » dit le pape, « je n’y puis rien faire : chacun de mes prélats opine contre moi ; c’est pourquoi en mon cœur je dissimule, [voyant] que le neveu du roi ne trouve ami ni défenseur ; mais j’ai souvent ouï dire [3585] qu’homme jeune au cœur vaillant, quand il sait donner et endurer, et qu’il a de l’énergie, recouvre son héritage. Et si l’enfant est preux, il saura ce qu’il doit faire ; car certes le comte de Montfort ne l’aimera guère, et ne le tient pas pour son fils, ni l’enfant lui pour son père. [3590] Merlin, qui fut bon devin, l’a prédit : qu’encore viendra la pierre et celui qui la

  1. À l’empereur d’Allemagne, c.-à-d. la rive gauche du Rhône.
  2. Beaulieu (ou, selon la prononciation actuelle, Bewley) dans le New-Forest, Hants ; abbaye fondée par Jean Sans-Terre. Nous savons par Roger de Wendover, éd. Coxe, III, 344 (reproduit par Mathieu Paris, Hist. Minor, éd. Madden, II, 168, Chron. maj., éd. Luard, II, 633 ; cf. Mansi, Concilia, XXII, 1070) que le roi d’Angleterre avait envoyé au Concile de Latran trois « procuratores », au nombre desquels l’abbé de Beaulieu, pour soutenir sa querelle contre l’archevêque de Canterbury, Étienne de Langton.
  3. Allusion à I Esdras, VI ?