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croisade contre les albigeois.

pavillon du comte, et lui dit avec tristesse : « Sire comte de Montfort, votre énergie, [4940] votre dureté, votre audace sont vaine chose et néant : vous perdez vos hommes d’une façon si cruelle qu’ils ont l’esprit et l’âme sur les dents. Je suis sorti du château, et tel y est l’effroi [4945] que, pour l’Allemagne entière et tout l’argent du monde, je ne resterais pas là dedans, tant y est grande la souffrance. Voilà trois semaines, je vous le dis en vérité, que leur manquent l’eau, le vin, le blé. J’ai eu telle peur, puissent Dieu et les saints me protéger ! [4950] que tout le corps me tremble et que les dents me claquent. » Quand le comte l’entend, dépité, furieux, noir de colère, de l’avis de ses hommes et avec leur adhésion, il envoie ses lettres là dedans[1], en secret, à Dragonet, qui est sage, fin et prudent [4955], afin qu’il entre en pourparlers avec le comte : que lui (Simon) s’engagera à lever immédiatement le siége, à condition que ses hommes[2] lui soient rendus jusqu’au dernier. Et Dragonet qui est preux, adroit, homme de valeur, a tant parlé d’un côté et de l’autre [4960] que le comte de Montfort recouvre ses hommes, mais rien de plus, le comte de Toulouse retenant en totalité les chevaux, les harnais et tout l’équipement. Et au retour du jour, dès que luit le soleil, le comte lève le siége[3].

  1. C.-à-d. dans la ville de Beaucaire, où se trouvait Dragonet, comme on le voit au v. 4702.
  2. Ceux qui sont enfermés dans le château.
  3. P. de V.-C. ch. LXXXIII (Bouq. 107 a b) montre que Simon de Montfort fut amené à accepter ces conditions non-seulement par le désir de sauver d’une perte imminente les défenseurs du