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introduction, § x.

réunis sous sa présidence, la plus légère divergence. Innocent III n’est là que le suprême et inflexible organe d’une multitude de volontés indivisiblement confondues avec la sienne et dans la sienne. »

Puis, passant à l’examen du poème, il n’a pas de peine à montrer que le récit qu’on y lit est construit sur de tout autres données, que tout ce qu’on y voit, discussions violentes entre les seigneurs et les évêques, hésitation du pape prononçant avec douleur la sentence qu’on lui impose pour ainsi dire, que tout cela est en dehors des données fournies par les actes du concile. À ses yeux, les invraisemblances de détail, le manque de costume historique se montrent avec évidence dans le tableau tracé par le poète. « Il est manifeste », dit-il, « que cet historien n’avait aucune idée de l’étiquette ni du cérémonial de la cour romaine ; qu’il ne soupçonnait rien des voies ni des menées par lesquelles la politique de cette cour marchait à ses fins. Ayant à peindre un concile, il lui fallait, en quelque sorte, se le figurer de toute pièce, et il se l’est figuré par analogie avec ce qu’il savait, avec ce qu’il avait vu de la tenue des petites cours féodales qu’il avait fréquentées. »

Donc tout est faux dans le tableau tracé par le poète, car enfin, si le débat entre les seigneurs et les évêques discutant par devant le pape n’a pu avoir lieu, que reste-t-il du récit provençal, sinon une belle œuvre d’imagination ? Cette conclusion, qui semble résulter nécessairement de l’argumentation de Fauriel, n’est cependant pas celle à laquelle il s’arrête. Selon lui le fond est véritable : « C’est en tout ce qu’il y a de plus important et de plus caractéristique que ce tableau offre le plus de vérité historique[1]. »

  1. P. LXXXIX-XC.