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Page:La Chanson illustrée, année 1, n° 39, 1869.djvu/2

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L’OPINION DE BOQUILLON




AIR : de l’Enflammé.

 

I


Vous me demandez mon sargent,
Ç’que j’pens’  des affair’s du moment :
Que ça m’paraît s’embarbouiller,
Que ça m’paraît s’entortiller
À n’pouvoir s’désentortiller ;
De mille affiches, l’mois passé,
L’mur d’en face était tapissé ;
Des affich’s et des orateurs,
Y en avait de tout’s les couleurs.

 Dam ! la politique,
 C’est tique, tique, tique,
 Tique, tique, tique, tique,
 Un’  drôl’  de mécanique ;
 Dam ! la politique,
 C’est tique, tique, tique,
 Tique, tique, tique, tique,
 Un fier gâchis,
 Que j’vous l’dis :
 Ton, ton,
 Rapetipeton,
 Rapetipeton,
 Rapetipompette ;
 Ton, ton,
 Rapetipeton,
 Rapetipeton,
 Rapetipompon !

II


D’bien juger chacun s’croit l’talent :
Les uns voient roug’ , les autres blanc ;
Bref ! chacun voit selon son goût,
Y en a même et d’ceux-là beaucoup
Qui, je l’crois, n’voient rien du tout ;
Mais ce qui m’étonne surtout,
C’est que l’bourgeois, qui s’plaint partout
Sitôt qu’il ne vend plus beaucoup,
Vot’  pour ne plus vendre du tout.
 Dam ! la politique, etc.

III


J’croyais, dans ma naïveté,
Qu’tout en aimant la liberté,
L’Parisien serait enchanté
D’avoir de la tranquillité,
C’était de l’estupidité ;
L’voyou voudrait être ouvrier,
L’ouvrier voudrait êtr’  rentier,
Et, dans tous les rangs, les derniers
Voudraient la place des premiers.
 Dam ! la politique, etc.

IV


C’est comm’  si qu’les derniers troupiers
Prenaient la plac’  des officiers,
Et comm’  si que le caporal
Voulait commander l’général,
Qu’ça n’pourrait aller qu’bien plus mal ;
Qu’du moment qu’dans un’nation
N’y a plus d’subordination.
C’est comm’  si, voilà c’que j’comprends,
D’vant l’enn’mi nous rompions les rangs.
 Dam ! la politique, etc.

V


Quand même on verrait une fois
Que les voyous seraient les rois,
Et qu’les rois seraient les voyous,
Ça s’rait-i bien meilleur pour nous ?
Ça s’rait comm’  si que les pioupious
Se f’saient généraux tous en tas ;
Comme y en aurait plus que d’soldats
Et qu’ils s’battraient continuell’ment,
N’y aurait bientôt plus d’régiment.
 Dam ! la politique,
 C’est tique, tique, tique,
 Tique, tique, tique, tique,
 Un’  drôl’  de mécanique ;
 Dam ! la politique,
 C’est tique, tique, tique,
 Tique, tique, tique, tique,
 Un fier gâchis,
 Que j’vous l’dis :
 Ton, ton,
 Rapetipeton,
 Rapetipeton,
 Rapetipompette ;
 Ton, ton,
 Rapetipeton,
 Rapetipeton,
 Rapetipompon !

clairville.


LE GOURBI DES APÔTRES DU BON COUPLET

(Suite.)


Et maintenant, si vous cherchez le poëte épique chez le zouave, écoutez le récit héroï-comique de la Formation, recueilli dans un coin de tête sans cervelle de mon ami G…, par dame imagination.


Un jour d’orgie infernale,
Trébuchant sous son plumet,
Satan monte une cabale
Pour détrôner Mahomet ;
Soudain, riant d’un gros rire
Qui fit tomber sur le nez
Et trembler tous les damnés,
On crut l’entendre se dire
 Ah ! ah ! ah !
Ah ! Satan, mon vieux papa,
 Que fais-tu là ? (bis.)

Buvant une forte rasade
D’un bon vieux vin qu’il n’avait
Pas baptisé, par bravade
De ceux qu’en France on buvait,
Il emboucha sa trompette
Et sonna par l’univers
Un adjudant des Enfers
Qui cherchait une épaulette
 Ah ! ah ! ah !
Ah ! Satan, mon vieux, papa,
 Que fais-tu là ? (bis.)

D’une voix de contre-basse
Des fanfares d’allemands,
Belzébuth dit : « Je te casse
« De ton grade, si tu mens ;
« N’as-tu rien ici qui vaille
« Le diable à qui ne fait peur
« Ni feu, ni fer, ni douleur,
« Boulets, bombes et mitraille ?… »
 Ah ! ah ! ah !
Ah ! Satan, mon vieux papa,
 Que dis-tu là ? (bis.}

« Je veux un être terrible,
« Sous une peau de démon,
« Une nature impossible
« Dans une chair à canon ;
« Je veux une âme sans tête,
« Une force sans raison
« À qui tout paraîtra bon
« Au bout d’une baïonnette. »
 Ah ! ah ! ah !
Ah ! Satan, mon vieux papa,
 Que dis-tu là ? (bis.)

En riant de son idée
À se disloquer les os,
Cinq fois, sa coupe vidée,
Ivre, il tomba sur le dos ;
L’adjudant, roulant en tête
Le caprice de Satan,
Se disait : « Tambour battant,
Je marche à mon épaulette. »
 Ah ! ah ! ah !
Ah ! Satan, mon vieux papa,
 Qu’as-tu dit là ? (bis.)

Il pétrit sa pâte humaine
Des sept péchés capitaux ;
Mit du feu dans chaque veine,
Du vif-argent dans les os ;
Forte tête sans cervelle
Sous un crâne sans cheveux,
Et deux lampions pour les yeux
Flambant dans chaque prunelle !
 Ah ! ah ! ah !
Ah ! Satan, mon vieux papa,
Qu’as-tu fait là (bis.)

Enfin, tressant dans les queues
De vingt diables tout poilus
Telle barbe qu’à cent lieues
Les Sapeurs ne riaient
Il orne cette crinière
D’un menton ; et, soudain,
Un zouave sous le bonnet
Que portait Lamoricière !
 Ah ! ah ! ah !
Ah ! Satan, mon vieux papa,
 Qu’as-tu fait là ? (bis.)

Le fait n’est point historique,
Mais il est conté partout,
Partout aux plaines d’Afrique,
De La Gouath à Tombouctou ;
Un malin fourrier un quête
Dénicha l’ordre où Satan,
Tout fier de son adjudant
Lui conférait l’épaulette !
 Ah ! ah ! ah !
Ah ! Satan, mon vieux papa,
 Qu’as-tu-fait là ? (bis.)

A. giroud, zouave.


(La fin au prochain numéro.)

Séparateur


LES ARTISTES IMPROVISÉS

(Suite et fin)

Une heure après, une large bande était collée sur toutes les affiches, de manière à couvrir entièrement le nom de Levassor et celui de Parisot.

On y lisait :

« L’artiste en représentation, ayant fait l’abandon de ses feux en faveur des pauvres de la ville, le public est prévenu qu’un quart de la recette sera versé au bureau de bienfaisance. »

Chacun vanta dans la ville le noble désintéressement de l’artiste parisien.

Seulement, on cria après cet imbécile d’afficheur qui avait été coller maladroitement la bande sur des noms si populaires.

La représentation eut lieu le soir même.

Le petit théâtre de M… regorgeait de monde et la recette dépassa toutes les prévisions

Nos deux artistes improvisés, Georges surtout, eurent un succès prodigieux.

À la fin du spectacle, les jeunes gens de la ville allèrent les attendre à la porte de sortie des artistes, pour leur offrir un punch.

Mais ils s’étaient esquivés de bonne heure, ce qui fut mis encore sur le compte de leur modestie.

Ils ne voulurent accepter du directeur que l’argent qui leur était strictement nécessaire pour leur retour ; et, à leur arrivée à L…, ils s’empressèrent de lui renvoyer cette somme en le priant de l’ajouter à la part destinée aux pauvres.

Disons, à la louange de l’imprésario, que le tout fut versé scrupuleusement au bureau de bienfaisance de la ville.

Ajoutons enfin, que le fameux pantalon gris fut renvoyé à son propriétaire, qui trouva dans l’une de ses poches, à titre de remercîment, un magnifique porte-cigares.

Ce qu’il y a d’original dans cette aventure, c’est que l’acteur Levassor, étant passé par M… quelques années après et ayant eu l’idée d’y donner une représentation, n’y rencontra pas le succès mérité auquel il avait droit, les habitués du théâtre trouvant qu’il était bien au-dessous de ce qu’on l’avait vu à son premier passage.