Page:La Chronique médicale - 1905.djvu/105

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le crois, par beaucoup, si j’en juge par les conversations que j’ai eues à ce sujet, avec de nombreux confrères, trop paresseux, hélas ! pour vous écrire.

Dr Moreau (de Malakoff).

Il n’y a qu’une morale arriérée, puérile, grotesque et malfaisante, qui puisse nier le droit de l’être à se refuser à uuè procréation qui peut lui être nuisible matériellement ou moralement, ou qui mettrait un être en de mauvaises conditions morales et matérielles, dans ce monde où les procréateurs doivent assurer 1 existence de la façon la plus parfaite possible à celui qu’ils ont tiré du néant.

Donc, en principe, j’approuve toute prophylaxie anti-conceptionnelle.

Seulement, là où nous cessons de nous entendre, les chirurgiens, et la femme que je suis, c’est dans l’application de ce principe, attendu que, examinant de près tous les moyens de « prophylaxie » , je n’en ai trouvé aucun — du moins dépendant de la femme — qui ne fût pas un remède pire que le mal.

J’estime qu’en supprimant un germe aussi bien qu’un foetus, l’on ne commet aucun crime envers l’enfant, pas plus qu’en restant en état de virginité, ce qui, en réalité, supprime tous les êtres auxquels on pourrait donner le jour. Mais j’estime que l’attentat est envers la femme, car, si on étudie sur la chair vivante, en observateur sincère, et non en savant qui édicte ses lois dans son cabinet, l’on s’aperçoit que toute « prophylaxie » compromet sa santé, son être tout entier.

S’appuyant sur les théories de chirurgiens, MM. Michel Corday et Maurice Landay ont écrit Sesame et La Grappe, où ils plaident le droit de la suppression de l’enfant dans certains cas physiques ou moraux et préconisent l’avortement, qu’ils déclarent une opération insignifiante et sans danger.

Dans L’Autel, je ne contesterai point ce droit ; j’appuierai même sur le crime de mettre au monde des enfants tarés ou fatalement voués à la misère et au malheur, mais je montrerai l’application pratique de ces doctrines de « cabinet » et les résultats qu’ils ne peuvent manquer d’amener, étant donné qu’une femme n’est pas une machine que l’on peut démonter, priver d’un de ses rouages, sans qu’il en résulte un détraquage auquel le savant ne peut remédier, parce qu’il échappe à sa science et à sa volonté de commander aux passions, aux effrois, au coeur, aux nerfs de cette femme, aussi bien que dérégler son existence passionnelle à son gré.

En résumé, selon moi, l’on peut et l’on doit réglementer l’acte procréateur, mais seulement- si la santé de la femme n’est pas compromise par cette réglementation. Et il s’agit de prouver rigoureusement l’innocuité des divers procédés connus et préconisés.

Camille Pert

(de la Société des gens de Lettres).

Il est des femmes qui ne peuvent être mères, sans compromettre leur santé ou même leur vie.