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LA COMÉDIE DE LA MORT


À Stéphane Mallarmé.



Le Jardin, le grand Jardin se boursoufle de tertres
Où poussent des touffes d’adorables chrysanthèmes
Dans les enclos fermés de cadenas et de chaînes !
— Comme si l’on craignait que les âmes se perdent,

On écrit leurs noms sur des Croix dans les herbes vertes :
Et dans l’ombre du soir, les parents s’en vont tout blêmes,
Parcequ’ils ont peur de voir les Morts, hors de leurs gaînes,
S’en venir leur dire avec des bouches trop ouvertes :

« Que venez-vous ici ? ridicules trouble-fêtes ;
Allez, ce grand calme est très bon pour nos pauvres têtes,
Et nos cheveux sont le gazon des lentes charmilles.

« Comme les Dieux immortels, nous vivons sans querelles ;
Nous disons nos « Ave » sous les petites chapelles
Où sont inscrits nos noms dans les Caveaux des Familles ! »


I


— La Grande Mort est venue ;
Elle a pris l’âme toute nue.

Le corps est resté dans la chambre :
Il fait un froid de Décembre.

— Certains ont dit : « Il fallait
Que cette pauvre âme s’en aille ! »

Ô Maître, d’un coup de balais
Chassez cette valetaille.

— L’un pense au Dieu tutélaire
Qui se révèle dans l’Hostie :

C’est le prêtre au lourd bréviaire
Et des relents de sacristie