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Page:La Corée Libre, numéro 3, juillet 1920.djvu/24

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Chasser le Russe, telle était la nouvelle directive de son programme.

Il était nécessaire, en effet, pour le Japon, de repousser les Russes très loin dans les terres ; déjà il leur assignait la ligne du Baïkal, et nous trouvons les traces de ce projet dans leurs écrits de cette époque. Le Japon patiemment semble y parvenir. Il lutte depuis 1895 ; vainqueur en 1905 des troupes du tsar, il leur infligeait déjà un fort recul. Actuellement, après la grande guerre, la révolution russe semble le servir à souhait. Il est en pleine Sibérie, il l’occupe jusqu’au Baïkal ! Le Japon pourra-t-il s’y maintenir ? Nous ne le croyons pas et ne le souhaitons nullement pour les autres, car nous, Coréens, qui sommes sous le joug nippon depuis dix longues années, nous savons ce qu’est la civilisation du Japon, nous en éprouvons durement chaque jour la férule et ne la désirons pour personne ! Sibériens, Mongoles, Mandchous, Chinois et autres, veillez-y !

Vers 1901, donc, la tension anglo-russe est assez inquiétante en Europe. L’Allemagne faisait alors cause commune avec l’Angleterre contre le danger moscovite ; elle avait auprès de la Cour de Saint-James un défenseur en Lord Salisbury, la reine Victoria était elle-même en bonne amitié avec le Kaiser. C’est ce moment que choisit le Japon pour tenter de s’allier l’Angleterre afin de mieux asséner son coup sur le Russe.

D’après les Mémoires du Baron Hayashi, publiés en 1913 dans le Jiji-Shimboun et dont la publication fut arrêtée et interdite par le gouvernement japonais comme trop compromettante pour sa politique, il semblerait que ce fut l’Allemagne qui incita l’Angleterre à se rapprocher du Japon ?

Comment le Japon parvint-il à faire intervenir l’Allemagne en sa faveur auprès de la Grande-Bretagne ? Ceci peut paraître un mystère pour l’instant, mais l’histoire nous dévoilera bien un jour ce côté des intrigues du Japon. En tous cas, nous pouvons d’ores et déjà nous dire qu’indubitablement, le Japon a toujours été un admirateur de l’Allemagne et qu’il s’est constamment inspiré de ses méthodes ; qu’il conserve jalousement ce lien solide et indéfinissable qui unit étroitement tout élève à son maître et, en cela, le Japon en élève docile de l’Allemagne, continue à vénérer son maître !

Le baron Hayashi nous dira lui-même, c’est du moins ce que nous pourrons voir et lire entre les lignes, comment il se joua de la diplomatie britannique, pourtant adroite, pour arriver à gagner la première alliance anglo-japonaise :

[1] « Vers avril de l’année dernière (1901), Je chargé d’affaires allemand, le baron von Eckhardstein vint me voir à plusieurs reprises et me dit : « qu’à son point de vue privé, il n’y aurait rien de tel qu’une triple alliance anglo-japonaise-allemande pour le maintien de la paix en Extrême-Orient ; il savait que des ministres et personnages influents Chamberlain, Balfour, le marquis Lansdowne, le duc de Devonshire, en étaient de chauds partisans ; tout récemment, le marquis Salisbury avait lui-même adopté cette vue. Si, en Allemagne, l’opinion publique était anti-anglaise, il n’en était nullement

(1) Traduction de l'Information d’Extrême-Orient de Tokio et de la Far Eastern Political Science Review de Canton.

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