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langue françoise, depuis son origine jusqu’au siècle de Louis XIV, en 10 ou 12 volumes in-folio.

« Malheureusement, l’impression de ce beau travail, commencée du vivant de Sainte-Palaye et continuée depuis, n’a pas été conduite au-delà du mot asseureté, colonne 1470 ou page 735 du tome 1er ; mais ce fragment, dont par bonheur quelques exemplaires ont échappé à la destruction, fait juger trop avantageusement de l’ouvrage pour qu’on ne regrette pas vivement qu’il n’ait pas été achevé. »

La Curne de Sainte-Palaye avait exposé, en 1756, le vaste plan de son Dictionnaire dans un prospectus qui est une sorte d’introduction à son ouvrage. Nous avons été assez heureux pour retrouver un exemplaire de ce prospectus. Nous croyons devoir le reproduire. On verra le temps et les immenses recherches qu’il a fallu à l’auteur pour accomplir son travail de bénédictin. C’est avec une extrême modestie, une entière sincérité que La Curne de Sainte-Palaye parle de son œuvre. Voici ce projet destiné à servir de préface à ce monument colossal élevé en l’honneur de l’ancienne Langue française :


PROJET D’UN GLOSSAIRE FRANÇOIS


Depuis plus de deux siècles un grand nombre d’Ecrivains ont travaillé avec plus ou moins de succès à l’éclaircissement de notre Histoire. Dès le temps de François I, le célèbre Guillaume du Bellay, Seigneur de Langey, à la lecture de celle des Grecs, des Romains, des Barbares même, conçut une noble jalousie pour la gloire de sa Nation, et résolut de se plonger dans des recherches profondes qui pussent servir à débrouiller le chaos des Antiquités Françoises. Il forma d’abord le dessein de démêler les origines des Gaulois et des François : en remuant (ce sont les termes) les titres, livres, chartres, épitaphes, fondations, et autres choses antiques. Il n’avoit pas désespéré de faire une espèce de concordance des noms anciens des Provinces et des Villes de la Gaule et de la France, avec les noms modernes. Il n’avoit pas dédaigné de mettre la main à cet ouvrage, et d’en composer un Vocabulaire alphabétique. Après s’être fait des recueils pour sa propre instruction, il entreprit, pour celle du public, deux autres ouvrages plus importants, qui marquoient et la supériorité de son génie, et la grandeur de ses vues. Dans l’un il se proposoit, sur le modèle de Plutarque, de comparer les Hommes illustres de la France avec ceux de l’Antiquité : l’autre avoit pour objet, les Charges et les Dignités de la Couronne. On y devoit expliquer leurs fonctions, leurs droits, leurs priviléges, leurs prérogatives, etc. et montrer en quoi elles ressembloient aux Charges et Dignités modernes, en quoi elles en différoient. Trop habile pour ignorer quelle variété, quelle profondeur de connoissances étoient nécessaires pour exécuter de tels projets, ce grand homme eut aussi la modestie de se défier de ses talents : mais il se flattoit du moins que son exemple mettroit sur la voie des hommes plus capables qu’il ne croyoit l’être, de finir ce qu’il auroit ébauché. Des devoirs essentiels, les besoins de l’État qu’il servit avec distinction dans les guerres les plus sanglantes, et dans les négociations les plus délicates l’arrachèrent à ce travail qu’il reprit dans la suite, et qui néanmoins ne fut pas mis au jour.

Du Tillet, Greffier en chef du Parlement, ne tarda pas à remplir les vœux de du Bellay, pour le dernier de ces trois ouvrages, par le savant Traité de la Maison et Couronne de France.

Apres eux, Pasquier, Pithou, Nicot et Fauchet, mais sur-tout le premier, contribuèrent, par des recherches immenses, à éclaircir nos Antiquités Françoises. Mais quel nouvel éclat n’ont-elles pas reçu depuis, sous les ministères de Richelieu, de Mazarin et de Colbert, par les veilles des Duchêne, des