Il résulte de ces apiilicalions particulières de
l’idée gciiérale du mot advciitiire, qu’il signilie,
comme nous avons déjà dit, tout ce qui avicnt, tout
ce qui arrive fortuitement, sans cause a|)i)arenle
ou nécessaii’e ; liasard dans les passages suivans:
« C’est une des plus danucieuscs choses qui soit à
« la guerre, (jue d’aller d’une traicle clierclier ses
« enuemiz : je ne diz pas qu’il n’eu soit aucune-
« ment liien venu ; mais c’est advenlure. « (Le Jou-
vencel, ms. p. TiTS.J « Pour ce dit-on (|iie les gens
« de guerre vont a Vadvcnlurc ; car (|uaut ilz par-
« lent de l’hostel, ne savent pas (lu’ilz doivent trou-
« ver en chemin. » (Id. p. 140.)
Qui desirn merci d’amie,
De li servir se doit pener,
El amer joie et courtoisie ;
Et tout orgucl doit eschever.
Qui ainsi ne le veult démener,
Je di par roison et droiture
Bien lui prendra par aventure.
Ghans. fr. a la S. du Rom. de Fauvcl, MS. du R. n" C812, fol. 57, V- col. î.
De là l’expression yssii’ à ses aventures, la même
à peu près que celle ci-dessus, aller îi l’aventure.
« Tiebault du Pont et Vvain de Galles s’en yssissent
« ung jour à lem’s avenlmrs savoir se des Anglois
« pourroient riens apprendre. " (Triomph. des
neufs Preux, p. 07)0, col. 1.)
On trouve dans ces expressions l’origine du nom
de cette espèce de milice qu’on appela Adventurieis.
Comme ils ne vivoient que du bulia qu’ils l’aisoient,
en s’exposant à tous les hasards de la guerre, on a
dit qu’ils éloient » nourris à leur aventure et au
« mestier de la guerre. » (Mém. d’Ol. de la Marche,
Liv. I, p. ’214.)
Anciennement on disoit, en advenlure, pour
au hasard.
En aventure ai chanté ;
Si ne sai s’il m’aidera.
.iic. Poët. Fr. MSS. avant 13U0, T. III, p. KGO.
Nous lisons à toutes ailveulures, pour à tout
hasard, dans Pathelin, test. p. 111 ; et notre façon
de parler adverbiale par aventure, très-ancienne
dans notre langue, répond au latin forte, (dans
S’ Bern. Serm. fr. mss. p. 116. Passim.) Nous disons
aussi, û’aveiiture; expression dont s’est servi
J. Le Maire, lllustr. des Gaules, Liv. II, p. 170.
Les hasards, les périls, les accidents, heureux
ou malheureux qui accompagnent ordinairement
les entreprises difficiles, ont fait employer souvent
le mot Advenlure, au figuré dans les anciens
romans de Chevalerie, poir désigner ces entre-
prises hasardeuses, mêlées quelquefois d’enchan-
tement dont on sait qu’ils sont remplis.
... de chanter n’ai ore cure ;
Si sai de Romans A’avenlure
Qui sont à oïr délitable ;
Je sai de la roonde tahle, etc.
Fal)I. MS. du R. n’ 7218, fui. -2U, R» col. I.
C’est en ce même sens qu’on a intitulé : Dit d’aven-
tures, un Fabliau ms. du R. ir 7218, fol. 343, P,".
Nous disons encore d’un homme qui aime les
entreprises extraordinaires, « c’est un homme qui
■ aime les aventures, qui court après les aven-
" tures. » (Uict. de l’Acad. fr.)
H semble (lue le diminutif «l’fH/wjT/c réponde ii
notre expression : aventure amoureuse, bonne for-
tune, dans les vers suivans:
Certes, dist la pucèle, moult m’a cis maus grevée
Séez-vous de-lez moi, si me soit racontée
Aucune avenlurèle rimée ou dérimée.
FaH. MS. dn R. n- 7218, fol. SIC, R- col. i.
Le mot advenlure, de même que hasard, fortune,
s’est pris aussi pour certain être chimérique auquel
on attribue les eirels dont on ignore la cause ;
que l’on regarde comme l’auteur des biens ou des
maux qui uvicnnent, qui arrivent dans le cours de
la vie.
Oez coin merveilleuse chose
)’Aveiiluri; qui ne repose.
Qui bone l’a, si est guéris ;
Et qui ne l’a, mal est baillis.
Alhis. MS, fol. 15, V- col. I.
Mes Dieu ne plot et Aventure.
Alhij, JiS. fol. 103, Vv col. 2.
Jlès .venturc les garda
Que l’un l’autre ne damaja.
Alhis, lis. fol. 99, R’ col. S.
Ce même mot, dans le sens de succession,
exprime encore une idée accessoire de l’idée géné-
rale A’adventure, chose qui peut ou qui’ doit
advenir. « Aventure est chose qui vient de mort de
« home sauns félonie, si come de geut qui sodey-
« nement moergent par ascune socleyne maladie,
« ou se lessent cheir, en le fue, ou eu le ewe, et
« là demoergent, jesques à taunt que ilz soient
" mortz, esteintz. » ^Britton, des Loix d’Anglet.
fol. 15, V°.)
On appeloit, en termes de coutume, droites
aventures, les successions directes. « Toutes
« escheoites qui aviennent entre frères, si sont à
« l’aisné, puis la mort au père, se ce n’est de lour
« mère et de lour aiol ; car l’en appelle celles
« escheoites, droites aventures. » (Ordon. T. I,
p. 123. — Voy. Laur. Gloss. du Dr. fr.)
C’est parla même analogie à’iûéesqn’adventures
au pluriel signifioit droits casuels, profits de fief.
« Us ne sénéfieront à personne nulle de uostre
« court.... les aventures qui échoiront en leurs
« receverie, comme mains-mortes, estrayères et
« autres revenues. » (Ord. T. I. p. 713.’ Lès Séné-
chaux, les Baillis envoyoient à la Chambre des
Comptes les états de « touttes les forfaitures, gros-
« ses amandes, quints deniers, rachapts et morte-
« mains et aventures, et aussi les gros cas et
« fais.... escheus en leurs baillies et sénéchaucies. »
(Ibidem, p. 705.)
Enfin, les fruits pendans par les racines, les
fruits qui croissent; proprement les fruits à venir
ont été désignés par le mot advenlure. « Bleds
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