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AB — 16 — AB

Abeveter, verbe. Instruire, prévenir.

Il semble que ce soit la signification de ce mot dans le passage suivant, où il s’agit d’une femme qui ayant mangé des perdrix, veut faire croire à son mari qu’elles ont été mangées par le chat.

Puis va en mi la rue ester ([1]),
Por son mari abeveter ;
Et quant ele ne’l voit venir,
La langue li prist à frémir,
Sus la pertris ([2]) qu’ele ot lessié.

Fabl. MS. du R. no 7218, fol. 169, V° col. 1.

(Voy. ci-après la cinquième acception d’Abevrer.)

Abevrer, verbe. Faire boire. Boire. Désaltérer. Imbiber. Pénétrer. Instruire. Arroser.

Le premier sens est le sens propre : « Li gué pour les bestes abejuvrer ». (Beauman. Cout. de Beauvoisis, p. 125.)

On employoit ce mot comme verbe neutre dans la signification de boire.

.... Le poulain au Bacheler.
Fi à sa fontaine abevrer.

Fabl. MS. de S. G., p. 198.

Il est actif dans le sens de désaltérer. « Serons tuit enyvreit de l’abondance de la maison de Deu, et si serons abovereit del ruit ([3]) de son deleitdelectum. » (Saint-Bern. Serm. fr. MSS. p. 236.)

On a dit au même sens : « Por abovrer notre soif ». (Id. ibid. p. 130.)

Pour imbiber, au figuré pénétrer. Cette acception, ainsi que la précédente, est une extension des deux premières.

Je sui de grand dueil abivré.

Ger. de Rouss. MS. p. 43.

De là celle d’instruire ; instruire quelqu’un, l’imbiber en quelque sorte d’une opinion, d’une nouvelle, etc. On a dit des Philosophes : « Si en trouverez-vous peu qui n’ayent esté abreuvé de folie ». (Débat de folie et d’amour, fol. III, V°). « Le diable ayant été abreuvé des grosses noises et questions que faisoient journellement des maris contre leurs femmes, delibéra de se marier ». (Nuits de Strapar. T. I, p. 145.) « Je connois un Gentilhomme et Seigneur, lequel voulant abreuver le monde qu’il estoit devenu amoureux, etc. » (Brant. Dam. Gal. T. I, p. 156. - Voy. ci-devant ABEVETER pris en ce sens.)

Enfin, d’abreuver, faire boire, imbiber, ce mot a signifié arroser ; au figuré donner à tous tour à tour, comme l’on donne l’eau aux plantes. On dit encore en ce sens, arroser, en termes de jeu. « Il arriva des gens sur moy qui le me le vouloient tuer, lesquels je abuvray tous » ; c’est-à-dire, « je leur donnai à tous de l’argent ». (Le Jouvencel, fol. 67, R°.) C’est dans ce même sens qu’on a dit aussi d’une succession, « si telle succession advient, tous les membres en sont abbreuvez ; ils la partagent tous ». (Nouv. Cout. gén. T. II, p. 559.)

On disoit proverbialement : " Fol est qui se met en enqueste ; car le plus souvent qui mieux


abreuve, mieux preuve ". (Instit. cout. de Loysel, T. II, p. 238.)

CONJUG.

Aboverrat, ind. futur. Abreuvera. (Voy. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 128.)

VARIANTES :

ABEVRER. Fabl. MS. de S. G. p. 198.
ABBREVER. Oudin, Dict. et Curiosit. fr.
ABBREUVER. Orthog. subsist. Cotgr. et Oudin, Dict.
ABBRUVER. Ph. de Mézières, Songe du Vieux Pèlerin.
ABEJUVRER. Beauman. Cout. de Beauvoisis, p. 125.
ABIVRER. Ger. de Rouss. MS. p. 43.
ABOIVRER. Fabl. MS. du R. no 7218, fol. 95, R° col. 2.
ABOVERER. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 236.
ABOVRER. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 130.
ABREUVER. Ger. de Rouss. MS. p. 43.
ABRUVER. Ph. de Mézières, Songe du Vieux Pèlerin.
ABUVRER. Froiss. Poës. MSS. p. 287, col. 1.

Abevruement, susbt. masc. Abbreuvement.

L’action d’abbreuver. « Xercès assembla si grans barnaiges ([4]) que par l’Abevruement de ses chevaux, s’asseicherent les fleuves ». (Al. Chart. de l’Espérance, p. 364.)

Abhorrement, subst. masc. Horreur.

« Il n’y a rien qui pousse la personne tant à la vertu que l’honneur, et l’abhorrement du vice ». (Brant. Cap. fr. T. I, p. 32.) On lit « Abhorissement du vice » dans Du Verdier. (Biblioth. p. 56.)

VARIANTES :

ABHORREMENT. Brant. Cap. fr. T. I, p. 32.
ABHORRISSEMENT. Du Verdier, Biblioth. p. 56.

Abhorrir, verbe. Abhorrer.

J’abhorissois les faveurs d’une amie.

Poës. de Loys le Caron, fol. 21, R°.

Abienneurs, subst. masc. plur. Séquestres.

On nomme ainsi en Bretagne « les Commissaires, les séquestres, ou les dépositaires d’un fonds saisi ». (Laur. Gloss. du Dr. fr.)

VARIANTES :

ABIENNEURS. Laur. Gl. du Dr. fr.
ABIANNEURS. Id. ibid.

Abier, subst. masc. Faucon gentil.

(Voy. Oudin et Cotgr. Dict.)

Abjet, subst. masc.

Ce mot, qui n’est peut-être qu’une corruption du mot objet, et une simple faute d’orthographe, peut s’entendre dans le sens d’incident en ce passage :

Ainsi doncques, a par moy, estimoye
Contre accident qui souvent nous envoye
Par ung abjet merveilleux, et segret,
Heur et malheur, destrempé de regret.

Chasse et Départie d’amour, p. 15, col. 1.
  1. (1) se tenir.
  2. (2) perdrix.
  3. (3) torrent, ruisseau.
  4. (4) armées.