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Abstention

subst. fém. Action de s'abstenir.

Encore aujourd'hui, dans quelques provinces, s'abstenir d'une succession, signifie ne faire aucun acte d'héritier, ce qui produit une renonciation tacite. C'est cette renonciation que le mot abstention désigne dans le passage suivant : " Le survivant ou la survivante ne peut profiter du raport ni de l'abstention, mais les heritiers seuls. " (Cout. de Bouchault, au nouv. Cout. gén. T. I, p. 799, col. 1.)

Abstinence

subst. fém. Suspension. Modestie, retenue. Privation de viande.

On disoit au premier sens : Abstinence de guerre, pour suspension d'armes. (Mém. d'Oliv. de la Marche, p. 95.) Quelquefois abstinance tout simplement : " Trèves ne abstinances. " (Ord. T. III, p. 36.)

Dans le second sens, nous lisons :

Se tu la troves bone et de loial sustance, Et envers toi loial et de bone abstinence, Honorer et servir la dois, sans atendance Et prendre et espouser, etc.

Fabl. MS. du R. n° 7615, fol. 179, V° col. 1.

Abstinence, dans le sens de privation de viande, est d'un usage très ancien. J. de Meun a dit en parlant des hypocrites ou faux dévots :

.... mains pour sembler plus honnestes, Laissent à mangier chair de bestes Tout temps, sous nom de pénitence, Et font ainsi leur abstinence, Si comme en Caresme faisons, Mais tous vifs ils mangent les homs O les dens de detraction.

Rom. de la Rose, vers 16081 et suiv.

C'est cette mortification affectée qu'il appelle ailleurs abstinence orgueilleuse (vers 20243), et dont il fait un personnage allegorique sous le nom de Dame abstinence contrainte. (Ibid. vers 15531 et suiv.)

Toutes ces significations sont, comme l'on voit, des applications particulières de l'acception propre et générale d'abstinence, privation.

VARIANTES :

ABSTINENCE. Orthog. subsist.

ABSTINANCE. Mém. d'Ol. de la Marche, p. 94.

Abstracteur

subst. masc. Qui extrait.

On disoit en ce sens Abstracteur de quinteessence, pour Chimiste, ou Alchimiste. (Rabelais, T. II, p. 287. — Voy. ibid. note de l'Editeur.)

Abstraction

subst. fém. Enlèvement.

C'est le sens propre ; du latin abstrahere, enlever par force. " Achilles tenant à grand injure l'abstraction de sa concubine Briseis, etc. " (J. le Maire, Illustr. des Gaules, liv. II, p. 224.)

Abstraindre

verbe. Serrer, mettre à l'étroit. Astreindre, obliger.

Le premier sens est le sens propre, du Latin adstringere, serrer, pris figurément en ce passage : " Yvain de Galles avoit durement abstreint ceux de Mortaigne en Poitou... les avoit si abstreint de

vivres, que nuls ne leur en pouvoient venir. " (Froiss. Vol. II, p. 27, an. 1378.)

De là, le participe abstraint, pour obligé. " Laquelle des deux conditions je voudrois choisir, ou d'estre cocu, ou abstraint à ne jamais faire l'amour. " (Caquets de l'Accouchée, p. 97.)

CONJUG.

Astrent, indic. prés. Lie, attache. (Voy. St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 281.)

VARIANTES :

ABSTRAINDRE. Eust. des Ch. Poët. MSS. fol. 79, col. 4.

ABSTREINDRE. Froiss. Vol. II, p. 27 et 29.

Abstraire

verbe. Emmener, enlever, arracher. Retirer.

Ce mot est formé du latin abstrahere, arracher. " La noble Pucelle Cassandra, se veit abstraire par force et violence, hors du Temple de Minerve. " (J. le Maire, Illustr. des Gaules, liv. II, p. 256.)

Dans le second sens, ce verbe a été employé comme verbe réfléchi. L'on a dit s'abstraire pour se retirer, s'arracher au monde. " Mieulx te vauldroit abstraire et aler demeurer en aucun lieu solitaire. " (Triomph. des neuf Preux, p. 267, col. 2.)

Abstrait

partic. Enlevé, arraché.

Du verbe ABSTRAIRE ci-dessus. (Voy. J. le Maire, Illustr. des Gaules, p. 256.)

Abuchement

subst. masc Achoppement.

Ce mot, sous l'orthographe Abuchement, semble venir des verbes Aboucher et Abuscer, et sous celle Abuissement dans les Serm. Fr. MSS. de St Bernard, où il répond à offendiculum du texte Latin, il pourroit être formé du Latin Bucca. Selon ces deux étymologies, Abuchement et Abuissement expriment l'état de celui qui penche ou tombe en avant, le visage ou la bouche contre terre ; et s'est employé de là pour désigner en général ce qui fait tomber, ce qui fait trébucher.

Au figuré, un de nos Poëtes du XIVe siècle, a dit d'un vieillard aveuglé par le plaisir :

Bezicles n'a et queurt parmy la rue ; En trebuchant se fraint, destruit et lasse. .... On ne voit point ne ne veult concepvoir L'Abuchement de pechié qui le blesse, etc.

Eust. des Ch. Poës, MSS. fol. 388, col. 2.

VARIANTES :

ABUCHEMENT. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 388, col. 2.

ABUISSEMENT. St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 287.

Abvier

verbe. Détourner.

Proprement détourner du chemin. On a dit au figuré : " Mon dit Seigneur, pour cuidier eviter le coup, getta le bras au-devant, dont il fut blecié tres vilainement, car il ne peut tant abvier, que le coup ne lui cheust sur le visage. " (Preuves sur le meurtre du D. de Bourg, p. 274). Si toutefois abvier n'est pas une faute d'impression, pour obvier, aller au devant, prévenir.

(1) od, avec.


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