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AU LECTEUR
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Nous possédons des Dictionnaires de toutes sortes, mais nous n’avons pas un Dictionnaire historique de l’ancienne langue française. L’Académie a tenté de combler ce vide, mais depuis trente ans qu’elle s’occupe de cette œuvre, elle n’a publié qu’un demi-volume. Il lui faudra plusieurs siècles pour achever un Dictionnaire qui n’aura pas moins de cent volumes in-4o.

Ce Dictionnaire existe cependant. Il a été fait par un érudit aussi connu que Du Cange, qui a consacré trente ans de son existence à compulser les anciens manuscrits, les vieux auteurs, les chartes des xiiie, xive, xve et xvie siècles. La publication de cet ouvrage a même été commencée. Un volume a été imprimé, mais il a paru au moment où la révolution de 1789 éclatait ; alors les préoccupations ne se portaient plus sur le passé. Aussi, cette publication n’a pas été continuée. Au grand regret du monde savant, elle n’a point été reprise depuis cette époque.

Nous venons, avec de nombreux et intelligents appuis, publier enfin ce Dictionnaire historique et rendre, à la mémoire du savant La Curne de Sainte-Palaye, l’hommage qu’elle mérite. Non pas que son travail soit dans l’oubli, tous les lexicographes et les philologues qui étudient notre langue ne manquent jamais de consulter ses manuscrits où ils peuvent puiser à pleines mains, assurés d’y trouver des trésors d’érudition et de recherches ; mais pour cela, il faut habiter Paris, et encore doit-on les feuilleter sur place, à la Bibliothèque nationale. Nous voulons, en l’imprimant, le mettre à la disposition de tous les érudits. Notre travail sera celui d’un éditeur consciencieux.

La Curne de Sainte-Palaye, né à Auxerre en 1697, mort en 1781, membre de l’Académie des Inscriptions en 1724 et de l’Académie française en 1738, a consacré la plus grande partie de son existence à réunir les matériaux d’un Dictionnaire historique de l’ancien langage françois. « Mes lectures qui tendoient toutes au même but, dit-il, dans le prospectus qu’il fit paraître en 1756, m’ont mis en état de rassembler une multitude immense de mots surannés. J’ai cru pouvoir en composer, je ne dirai pas un Glossaire aussi savant, et aussi bien fait que celui de Du Cange ; mais du moins un ouvrage de même nature qui auroit aussi son utilité. J’ai tâché, autant que je l’ai pu, de me former sur cet excellent modèle : trop heureux de suivre de très-loin un guide qui marche à pas de géant, un Savant universel qui par des travaux infatigables s’étoit approprié les connoissances de tous les siècles et de tous les pays.