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Page:La Dépêche, année 42, n° 15727, 15 août 1911.djvu/2

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L’Éducation Populaire et les « Patois »

Il y a un an, dans le loisir d’esprit de nos vacances parlementaires, j’avais discuté la thèse de ceux qui croient pouvoir ressusciter en France une civilisation méridionale autonome et faire de la langue et de la littérature du Languedoc et de la France un grand instrument de culture. J’avais établi, je crois, qu’il y a là une grande part de chimère, que la langue et la littérature de la France étaient désormais et seraient de plus en plus pour tous les Français le moyen essentiel de civilisation, qu’au demeurant l’entreprise méridionale n’avait pas le caractère « populaire » et spontané qu’on affectait d’y voir ; qu’elle était pour une large part l’œuvre préméditée de bourgeois cultivés, pénétrés des lettres classiques, et qui avaient retrouvé et ranimé, par érudition autant que par inspiration des sources longtemps endormies ; j’ajouterai qu’au demeurant la création littéraire de ces hommes était souvent raffinée, plus large et virgilienne, mais très délicate et nuancée avec Mistral ; vigoureuse et ardente, mais de forte tradition païenne avec Fourès ; amoureuse, vivante, et passionnée mais de tour et de souvenir hellénique chez Aubanel ; et que seuls ceux qui connaissaient les grands chemins battus du Parnasse et de l’Olympe pouvaient goûter tout le charme de ces sentiers sinueux de la poésie méridionale qui courent en festons le long des grandes routes glorieuses.

Mais je disais aussi avec une force de conviction qui ne fait que s’accroître que ce mouvement du génie méridional pouvait être utilisé pour la culture du peuple du Midi. Pourquoi ne pas profiter de ce que la plupart des enfants de nos écoles connaissent et parlent encore ce que l’on appelle d’un nom grossier « le patois ». Ce ne serait pas négliger le français : ce serait le mieux apprendre, au contraire, que de le comparer familièrement dans son vocabulaire, dans sa syntaxe, dans ses moyens d’expression, avec le languedocien et le provençal. Ce serait, pour le peuple de la France du Midi, le