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Page:La Fare - Mémoires de Madame la Comtesse de la Bouquetière de Saint-Mars, 1884.djvu/18

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En émigrant, je voulais vous sauver. Ainsi, il est presque certain que, si j’étais restée dans la Vendée, ou que j’eusse suivi l’armée vendéenne, vous auriez péri ainsi que moi. Des familles nombreuses ont disparu entièrement et je peux citer celle de Marmande(2), à qui j’avais l’honneur d’appartenir : la mère et six enfants en bas âge ont péri en suivant l’armée. La famille de Ponsay, que je laissai composée de huit individus, la fille est seule revenue(3) et elle est morte peu de temps après des suites de ses malheurs et du mauvais air qu’elle avait respiré dans sa prison. Votre pauvre tante, Mme de Chabot, est morte en prison, au Mans, où il régnait une maladie épidémique. Souvent, on n’attendait que les infortunées fussent expirées pour les jeter par la fenêtre et pour donner leurs places sur la paille à d’autres, qui bientôt avaient le même sort que celles qu’elles remplaçaient. Je vous raconte toutes ces horreurs pour vous ôter tous regrets de votre émigration ; et, si vous pouvez jouir encore d’un peu de bonheur dans votre vie, bénissez-moi pour votre conservation car vous me la devez.