Page:La Fare - Mémoires de Madame la Comtesse de la Bouquetière de Saint-Mars, 1884.djvu/33

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me les procurer suivant ce que j’avais dit que j’étais. J’attendis encore longtemps sur la place mes chevaux, et cette populace, toujours plus nombreuse, m’inquiétait. Enfin je crus partir. Quel fut mon étonnement, lorsque je vis que l’on me faisait entrer dans une petite cour et que ma voiture avait été suivie par deux fusiliers ! La peur entra dans mon âme ; je me crus perdue. Les deux fusiliers donnèrent l’ordre de fouiller ma voiture, au cas que j’eusse de l’argent et effets en contravention des ordonnances. On me demanda mes clefs ; un homme monta sur la voiture pour enlever la vache. Il ne le pouvait tout seul ; il eut beau demander de l’aide, personne ne répondait. Alors cet homme en descendit en disant : « Je ne puis le faire seul, que Madame parte ! » Je me rappelai que j’avais glissé un écu de six francs dans la main de l’homme qui m’avait conduit à l’hôtel de ville, que je revis le même homme lorsque j’entrai dans cette petite cour, que ce fut lui qui me demanda mes clefs, en me disant assez bas : « N’ayez pas peur, tout ira bien. »

Ceci se passait aux premiers jours de janvier, et la nuit commençait à venir lorsque je partis de Condé. J’avais une poste et demie pour passer la frontière. À une demi-lieue de la ville j’entrai