Aller au contenu

Page:La Fare - Mémoires de Madame la Comtesse de la Bouquetière de Saint-Mars, 1884.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quinze ans de bonheur ! – Ah, lui dis-je, Madame, pouvez-vous murmurer contre une providence qui vous a accordé ce quelle a refusé à tant d’autres ? Qui peut se vanter, comme vous, d’avoir été sans interruption heureuse pendant quinze ans ? Combien qui n’ont jamais connu le bonheur, et combien d’autres qui ne l’ont aperçu que comme l’éclair qui sillonne la nue ? Résignez-vous donc, Madame. » Elle ne dormait pas, étant tourmentée par les punaises. J’entrai un matin dans sa chambre ; elle était encore au lit. Je la trouvai très agitée. « Qu’avez-vous donc ? – Je ne peux dormir, les punaises me dévorent. – Mais pourquoi ne changez-vous pas de lit ? – Je ne le veux pas, il faut qu’elles me tuent. » Je ne pus m’empêcher de rire, et je lui dis : « Le supplice en sera trop long ; croyez-moi, trouvez une meilleure idée. » Cela la fit rire et elle prit le parti de se défaire de ces vilaines bêtes.

Nous étions l’une et l’autre dans les plus vives inquiétudes sur l’armée des Princes et celle de Prusse. Les bruits les plus contradictoires circulaient. Cette incertitude ne dura pas longtemps. On apprit les désastres de la campagne, la capitulation du duc de Brunswick, enfin la dislocation de l’armée des Princes, qui avait cependant franchi toutes les difficultés d’une campagne.