Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/142

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je suis même privé du plaisir de voir ses beaux yeux tournés sur moi, et elle ne peut plus me regarder sans me donner de la jalousie.

Consalve dit toutes ces paroles avec tant de rapidité qu'Alphonse ne put l'interrompre, mais quand il eut cessé de parler :

— Est-il possible, lui dit il, que tout ce que vous m'apprenez soit véritable ? Et la tristesse où vous vous êtes accoutumé, ne forme-t-elle point l'idée d'un malheur si extraordinaire ?

— Non, Alphonse, je ne me trompe point, répondit Consalve, Zayde regrette un amant qu'elle aime et je l'en fais souvenir. La fortune m'empêche bien de me former des malheurs au dessus de ceux qu'elle me cause, elle va au delà de ce que je pourrais imaginer, elle en invente pour moi qui sont inconnus aux autres hommes, et, si je vous avais raconté la suite de ma vie, vous seriez contraint d'avouer que j'ai eu raison de vous soutenir que j'étais plus malheureux que vous.

— Je n'oserai vous dire, répliqua Alphonse, que, si vous n'aviez point de raison importante de vous cacher à moi, vous me donneriez toute la joie que je puis avoir de m'apprendre qui vous êtes et quels sont les malheurs que vous jugez plus grands que les miens. Je sais bien qu'il n'y a pas de justice de vous demander ce que je vous demande sans vous apprendre en même temps quelles sont mes infortunes, mais, pardonnez à un malheureux qui ne vous a pas caché son nom et sa naissance et qui ne vous cacherait pas ses aventures s'il vous était utile de les avoir et s'il vous les pouvait dire sans renouveler des douleurs que plusieurs années ne commencent qu'à peine d'effacer.

— Je ne vous demanderai