Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/149

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esprit, vous n’aurez rien à souhaiter. Je vous supplie, seigneur, lui dis-je, ne prenez point tant de soin de me rendre malheureux, et sur-tout prenez d’autres prétextes pour aller chez la reine, que de nouvelles brouilleries avec le roi : vous savez qu’il m’accuse souvent des choses que vous faites qui ne lui plaisent pas, et qu’il croit que mon père et moi, pour notre grandeur particulière, vous inspirons l’autorité que vous prenez quelquefois contre son gré. Dans l’humeur où je suis de vous faire aimer de Nugna Bella, repartit le prince, je ne serai pas si prudent que vous voulez que je le sois. Je me servirai de toutes sortes de prétextes pour vous mener chez la reine ; et même, quoique je n’en aie point, je m’y en vais présentement, et je sacrifierai au plaisir de vous rendre amoureux un soir que j’avais destiné à passer sous ces fenêtres où vous croyez que je ne connais personne.

Je ne vous aurais pas fait le récit de cette conversation, dit alors Consalve à Alphonse ; mais vous verrez par la suite qu’elle fut comme un présage de tout ce qui arriva depuis.

Le prince s’en alla chez la reine ; il la trouva retirée pour tout le monde, excepté pour les dames qui avaient sa familiarité. Nugna Bella était de ce nombre : elle était si belle ce soir-là, qu’il semblait que le hasard favorisât les desseins du prince. La conversation fut générale pendant quelque temps ; et, comme il y avait plus de liberté qu’à d’autres heures, Nugna Bella parla aussi davantage, et elle me surprit en me faisant voir beaucoup plus d’esprit que je ne lui en connaissais. Le prince pria la reine de passer dans son cabinet,