Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/158

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sent dans son coeur une passion qui me doit déplaire, et, s'il était aimé de ma sœur, il me haïrait encore davantage. J'avais bien prévu le mal qui m'arriverait si elle touchait son inclination, et, s'il ne change point les sentiments qu'il a pour elle, je ne serai pas longtemps son favori, même aux yeux du public, car dans son coeur je ne le suis déjà plus. Don Ramire était persuadé comme moi, de l'amour du prince, mais pour m'ôter de l'esprit une chose qui me donnait de la peine :

— Je ne sais, me répondit il, sur quoi vous vous fondez pour croire que don Garcie soit amoureux d'Hermenesilde ; il l'a louée d'abord, il est vrai, mais je ne lui ai rien depuis qui paraisse d'un homme amoureux. Et quand il l'aimerait, ajouta-t-il, serait-ce une chose si fâcheuse ? Pourquoi ne la pourrait-il pas épouser ? Ce n'est pas le premier prince qui a épousé une de ses sujettes ; il ne saurait en trouver une plus digne de lui, et, s'il l'épousait, quelle grandeur ne serait ce pas pour votre maison ?

— C'est par cette raison même, lui répondis je, que le roi n'y consentira jamais. Je ne le voudrais pas sans son consentement ; peut être même que le prince ne le voudrait pas aussi ou qu'il ne le voudrait ni assez fortement ni assez longtemps pour l'exécuter. Enfin c'est une chose qui ne se peut faire, et je ne veux pas laisser croire au public que je hasarde la réputation de ma soeur sur l'espérance mal fondée d'une grandeur où nous ne parviendrons jamais. Si don Garcie continue à aimer Hermenesilde, je la retirerai de la cour. Don Ramire fut surpris de ma résolution ; il craignit que je ne me brouillasse avec don Garcie, il résolut de lui apprendre mes