Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passion,. quoiqu'il me restât encore beaucoup de tristesse. La vue de Zayde vient m'ôter ce triste repos dont je jouissais et me jette dans de nouveaux malheurs, beaucoup plus cruels que ceux que j'ai déjà éprouvés.

Alphonse demeura surpris et charmé du récit de Consalve.

— J'avais conçu, lui dit-il, une grande idée de votre mérite et de votre vertu, mais j'avoue que ce que je viens d'apprendre est encore au-dessus de ce que j'en, avais pensé.

— Je dois plutôt craindre, répondit Consalve, que je n'aie diminué la bonne opinion que vous aviez de moi, en vous faisant voir combien j'ai été facile à tromper. Mais j'étais jeune, j'ignorais les trahisons de la cour, j'étais incapable d'en faire, je n'avais aimé que Nugna Bella, l'amour que j'avais pour elle ne me laissait pas imaginer que les passions pussent finir ; ainsi rien ne me portait à la défiance ni sur l'amitié ni sur l'amour.

— Vous ne pouviez vous garantir d'être trompé, repartit Alphonse, à mois que d'être naturellement soupçonneux ; encore vos soupçons, quoique bien fondés, vous auraient paru injustes, puisque vous n'aviez eu jusques alors aucun sujet de vous défier des personnes qui vous trompaient, et leur tromperie était conduite avec tant d'habileté que la raison ne voulait pas qu'on la soupçonnât.

— Ne parlons point de mes malheurs passés, reprit Consalve, ils ne me sont plus sensibles, Zayde m'en ôte même le souvenir, et je m'étonne que j'aie pu vous les raconter. Mais considérez que je n'avais jamais cru pouvoir être amoureux par la beauté seule, ni pouvoir être touché d'une personne qui aurait eu quelque attachement. Cependant