Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/193

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de lui déplaire que si elle l'avait entendu. Quand la raison lui revenait et qu'il avait le déplaisir de voir qu'elle ne pouvait lui répondre, il cherchait le soulagement de lui dire tout ce que sa passion lui inspirait.

— Je vous aime, belle Zayde, disait-il en la regardant, je vous aime, je vous adore ; j'ai au moins le plaisir de vous le dire et de ne pas attirer votre colère ; toutes vos actions me persuadent qu'on n'oserait vous le déclarer sans vous déplaire, mais cet amant que vous pleurez vous a parlé sans doute de son amour et vous vous êtes accoutumée de l'entendre. Que d'un mot, belle Zayde, vous m'éclairciriez de doutes !

Lorsqu'il lui parlait ainsi elle se tournait quelquefois vers Félime avec étonnement, et comme pour lui faire remarquer une ressemblance dont elle était toujours surprise. C'était une douleur si vive pour Consalve de s'imaginer qu'il la faisait souvenir de son rival, qu'il eût aisément renoncé aux avantages de sa beauté et de sa bonne mine pour n'avoir point une telle ressemblance. Cette douleur lui était si insupportable qu'il ne pouvait presque plus se résoudre à paraître devant Zayde, il aimait mieux se priver de sa vue que de lui représenter l'image de celui qu'elle aimait, et lorsque ses regards lui paraissaient favorables, il ne les pouvait supporter, tant il était persuadé qu'ils ne s adressaient pas à lui. Il la quittait, et s'en allait passer des après-dîners entiers dans le bois ; quand il revenait auprès d'elle, il lui trouvait plus de froideur et plus de chagrin qu'elle n'avait accoutumé d'en avoir ; il crut même, dans la suite, remarquer quelque inégalité dans la manière dont elle le traitait,