Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/215

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rapport avec Zayde, il se trouva encore plus affligé qu'auparavant.

Il faisait souvent réflexion sur la cruauté de sa destinée qui, après l'avoir accablé à Léon de tant de malheurs, lui en faisait encore éprouver un incomparablement plus sensible, en le privant d'une personne qui seule lui était plus chère que la fortune, l'ami et la maîtresse qu'il avait perdus. En faisant cette triste différence de ses malheurs passés à son malheur présent, il se souvint de la promesse qu'il avait faite à don Olmond de lui donner de ses nouvelles, et, quelque peine qu'il eût à penser à autre chose qu'à Zayde, il jugea qu'il devait cette marque de reconnaissance à un homme qui lui avait témoigné tant d'amitié. Il ne voulut pas lui apprendre précisément le lieu où il était, il lui manda seulement qu'il le priait de lui écrire à Tarragone ; que sa retraite n'en était pas éloignée ; qu'il s'y trouvait sans ambition ; qu'il n'avait plus de ressentiment contre don Garcie, de haine pour don Ramire, ni d'amour pour Nugna Bella ; que cependant il était encore plus malheureux que lorsqu'il partit de Léon.

Alphonse était sensiblement touché de l'état où il voyait Consalve ; il ne l'abandonnait point et tâchait, autant qu'il lui était possible, de diminuer son affliction. Vous avez perdu Zayde, lui disait-il un jour, mais vous n'avez pas contribué à la perdre, et, quelque malheureux que vous soyez, il y a du moins une sorte de malheur que votre destinée vous laisse ignorer. Etre la cause de son infortune est ce malheur qui vous est inconnu et c'est celui qui fera éternellement mon supplice.