Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/245

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accident, on me dit qu'un écuyer de Bélasire demandait à me parler de sa part. Je fus. transporté au nom de Bélasire, qui m'était si cher, je fis entrer celui qui me demandait ; il me donna une lettre où je trouvai ces paroles :

Notre séparation m'avait rendu le monde si insupportable, que je ne pouvais plus y vivre avec plaisir, et l'accident qui vient d'arriver, blesse si fort ma réputation, que je ne puis y demeurer avec honneur. Je vais me retirer dans un lieu où je n'aurai point la honte de voir les divers jugements qu'on fait de moi. Ceux que vous en avez faits, ont causé tous mes malheurs, cependant je n'ai pu me résoudre à partir, sans vous dire adieu, et sans vous avouer que je vous aime encore, quelque déraisonnable que vous soyez. Ce sera tout ce que j'aurai à sacrifier à Dieu, en me donnant. à lui, que l'attachement que j'ai pour vous et le souvenir de celui que vous avez eu pour moi. La vie austère que je vais entreprendre, me paraîtra douce ; on ne peut trouver rien de fâcheux, quand on a éprouvé la douleur de s'arracher à ce qui nous aime et à ce qu'on aimait plus que toutes choses. Je veux bien vous avouer encore que le seul parti que je prends, me pouvait mettre en sûreté contre l'inclination que j'ai pour vous et que, depuis notre séparation, vous n'êtes jamais venu dans ce lieu, où vous avez fait tant de désordre, que je n'aie été prête à vous parler et à vous dire que je ne pouvais vivre sans vous. Je ne sais même si je ne vous l'aurais point dit le soir que vous attaquâtes don Manrique, et que vous me donnâtes de nouvelles