Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/303

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si admirable qu'elle parut aux yeux d'Alamir ce qu'Alamir paraissait aux miens, c'est-à-dire la seule personne que l'on pût aimer. Je m'aperçus de l'attention extraordinaire qu'il avait à la regarder. Lorsque nous fûmes arrivées, Alasinthe et Bélénie se séparèrent, Alamir suivit Zayde sans chercher même un prétexte à me quitter. Je demeurai pénétrée de la plus grande douleur que j'eusse jamais sentie. Je connus par sa violence le véritable attachement que j'avais pour ce prince. Cette connaissance augmenta ma tristesse ; j'envisageai l'horrible malheur où j'étais plongée par ma faute, mais, après m'être bien affligée, il me revint quelque rayons d'espérance ; je me flattai comme toutes les personnes qui aiment, et je m'imaginai que des raisons que j'ignorais, avaient causé ce qui venait de me déplaire. Je ne fus pas longtemps dans cette faible espérance. Alamir avait voulu pendant quelque temps nous laisser croire, à Zayde et à moi, qu'il nous aimait, pour se déterminer ensuite selon la manière dont il serait traité de l'une et de l'autre, mais la beauté de Zayde, sans le secours de l'espérance, l'entraîna entièrement. Il oublia même qu'il avait voulu me persuader qu'il s'était attaché à moi ; je ne le vis presque plus, il ne me chercha que pour chercher Zayde, il l'aima avec une passion ardente, et ; enfin, je le vis pour elle comme j'eusse été pour lui, si la bienséance m'eût permis de faire voir mes sentiments.

Je ne sais s'il est nécessaire que je vous dise ce que je souffrais et les divers mouvements dont mon coeur était combattu ; je ne pouvais supporter de le voir auprès de Zayde, et de l'y voir si amoureux, et d'un