Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/112

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plus. Je ne puis entendre tout ce que vous me dites, répondit M. de Nemours ; mais vous me faites entrevoir que les bruits qui ont couru de l’intérêt qu’une grande princesse prenait à vous ne sont pas entièrement faux. Ils ne le sont pas aussi, repartit le vidame de Chartres ; et plût à Dieu qu’ils le fussent ! je ne me trouverais pas dans l’embarras où je me trouve : mais il faut vous raconter tout ce qui s’est passé, pour vous faire voir tout ce que j’ai à craindre.

Depuis que je suis à la cour, la reine m’a toujours traité avec beaucoup de distinction et d’agrément, et j’avais eu lieu de croire qu’elle avait de la bonté pour moi ; néanmoins, il n’y avait rien de particulier, et je n’avais jamais songé à avoir d’autres sentiments pour elle que ceux du respect. J’étais même fort amoureux de madame de Thémines : il est aisé de juger, en la voyant, qu’on peut avoir beaucoup d’amour pour elle quand on en est aimé ; et je l’étais. Il y a près de deux ans que, comme la cour était à Fontainebleau, je me trouvai deux ou trois fois en conversation avec la reine, à des heures où il y avait très-peu de monde. Il me parut que mon esprit lui plaisait, et qu’elle entrait dans tout ce que je disais. Un jour entre autres, on se mit à parler de la confiance : je dis qu’il n’y avait personne en qui j’en eusse une entière ; que je trouvais que l’on se repentait toujours d’en avoir, et que je savais beaucoup de choses dont je n’avais jamais parlé. La reine me dit qu’elle m’en estimait davantage ; qu’elle n’avait trouvé personne en France qui eût du secret, et que c’était ce qui l’avait le plus embarrassée, parce que cela lui avait ôté le plaisir de donner sa