Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/135

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que je pense aujourd’hui, et je fais aujourd’hui tout le contraire de ce que je résolus hier : il faut m’arracher de la présence de M. de Nemours ; il faut m’en aller à la campagne, quelque bizarre que puisse paraître mon voyage ; et, si M. de Clèves s’opiniâtre à l’empêcher ou à en vouloir savoir les raisons, peut-être lui ferai-je le mal, et à moi-même aussi, de les lui apprendre. Elle demeura dans cette résolution, et passa tout le soir chez elle, sans aller savoir de madame la dauphine ce qui était arrivé de la fausse lettre du vidame.

Quand M. de Clèves fut revenu, elle lui dit qu’elle voulait aller à la campagne, qu’elle se trouvait mal, et qu’elle avait besoin de prendre l’air. M. de Clèves, à qui elle paraissait d’une beauté qui ne lui persuadait pas que ses maux fussent considérables, se moqua d’abord de la proposition de ce voyage, et lui répondit qu’elle oubliait que les noces des princesses et le tournoi s’allaient faire, et qu’elle n’avait pas trop de temps pour se préparer à y paraître avec la même magnificence que les autres femmes. Les raisons de son mari ne la firent pas changer de dessein ; elle le pria de trouver bon que, pendant qu’il irait à Compiègne avec le roi, elle allât à Coulommiers, qui était une belle maison à une journée de Paris, qu’ils faisaient bâtir avec soin. M. de Clèves y consentit ; elle y alla dans le dessein de n’en pas revenir sitôt, et le roi partit pour Compiègne, où il ne devait être que peu de jours.

M. de Nemours avait eu bien de la douleur de n’avoir point revu madame de Clèves depuis cette après-dînée qu’il avait passée avec elle si agréablement,