Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/226

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Le chevalier de Navarre, descendu des anciens souverains de ce royaume, était aussi alors jeune, beau, plein d’esprit et d’élévation ; mais la fortune ne lui avait donné d’autre bien que la naissance. Il jeta les yeux sur la princesse de Neufchâtel, dont il connaissait l’esprit, comme sur une personne capable d’un attachement violent, et propre à faire la fortune d’un homme comme lui. Dans cette vue, il s’attacha à elle, sans en être amoureux, et attira son inclination : il en fut souffert ; mais il se trouva encore bien éloigné du succès qu’il desirait. Son dessein était ignoré de tout le monde : un seul de ses amis en avait la confidence, et cet ami était aussi intime ami du comte de Tende : il fit consentir le chevalier de Navarre à confier son secret au comte, dans la vue qu’il l’obligerait à le servir auprès de la princesse de Neufchâtel. Le comte de Tende aimait déjà le chevalier de Navarre ; il en parla à sa femme, pour qui il commençait à avoir plus de considération, et l’obligea, en effet, de faire ce qu’on desirait.

La princesse de Neufchâtel lui avait déjà fait confidence de son inclination pour le chevalier de Navarre : cette comtesse la fortifia. Le chevalier la vint voir, il prit des liaisons et des mesures avec elle ; mais, en la voyant, il prit aussi pour elle une passion violente. Il ne s’y abandonna pas d’abord : il vit les obstacles que ces sentiments partagés entre l’amour et l’ambition apporteraient à son dessein : il résista ; mais, pour résister, il ne fallait pas voir souvent la comtesse de Tende, et il la voyait tous les jours, en cherchant la princesse de Neufchâtel ; ainsi il devint éperdûment