Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/234

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dérobai hier au soir de chez la princesse de Navarre et de tous mes gens, pour aller à un rendez-vous où cette personne m’attendait. Ma femme, qui a déjà démêlé que je suis occupé d’autre chose que d’elle, et qui a de l’attention à ma conduite, a su par mes gens que je les avais quittés ; elle est dans une jalousie et un désespoir dont rien n’approche. Je lui ai dit que j’avais passé les heures qui lui donnaient de l’inquiétude chez la maréchale de Saint-André, qui est incommodée, et qui ne voit presque personne ; je lui ai dit que madame la comtesse de Tende y était seule, et qu’elle pouvait lui demander si elle ne m’y avait pas vu tout le soir. J’ai pris le parti de venir me confier à madame la comtesse. Je suis allé chez la Châtre, qui n’est qu’à trois pas d’ici, j’en suis sorti sans que mes gens m’aient vu, et l’on m’a dit que madame était éveillée ; je n’ai trouvé personne dans son antichambre, et je suis entré hardiment. Elle me refuse de mentir en ma faveur ; elle dit qu’elle ne veut pas trahir son amie, et me fait des réprimandes très-sages : je me les suis faites à moi-même inutilement. Il faut ôter à madame la princesse de Navarre l’inquiétude et la jalousie où elle est, et me tirer du mortel embarras de ses reproches.

La comtesse de Tende ne fut guère moins surprise de la présence d’esprit du prince, qu’elle l’avait été de la venue de son mari : elle se rassura, et il ne demeura pas le moindre doute au comte. Il se joignit à sa femme, pour faire voir au prince l’abîme de malheurs où il s’allait plonger, et ce qu’il devait à cette princesse. La comtesse promit de lui dire tout ce que voulait son mari.