Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/266

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de vengeance, il s’attendrit, en considérant la beauté de la princesse, et la perte qu’il faisait, en perdant l’espérance d’en être aimé ; de sorte que, sans attendre sa réponse, il sortit du bal, feignant de se trouver mal, et s’en alla chez lui rêver à son malheur. La princesse de Montpensier demeura affligée et troublée, comme on se le peut imaginer. Voir sa réputation et le secret de sa vie entre les mains d’un prince qu’elle avait maltraité, et apprendre par lui, sans pouvoir en douter, qu’elle était trompée par son amant, étaient des choses peu capables de lui laisser la liberté d’esprit que demandait un lieu destiné à la joie. Il fallut pourtant demeurer en ce lieu, et aller souper ensuite chez la duchesse de Montpensier, sa belle-mère, qui l’emmena avec elle. Le duc de Guise, qui mourait d’impatience de lui conter ce qu’avait dit le duc d’Anjou le jour précédent, la suivit chez sa sœur. Mais quel fut son étonnement, lorsque, voulant entretenir cette belle princesse, il trouva qu’elle ne lui parlait que pour lui faire des reproches épouvantables ; et le dépit lui faisait faire ces reproches si confusément, qu’il n’y pouvait rien comprendre, sinon qu’elle l’accusait d’infidélité et de trahison. Accablé de désespoir de trouver une si grande augmentation de douleur où il avait espéré de se consoler de tous ses ennuis, et aimant cette princesse avec une passion qui ne pouvait plus le laisser vivre dans l’incertitude d’en être aimé, il se détermina tout d’un coup. Vous serez satisfaite, madame, lui dit-il ; je m’en vais faire pour vous ce que toute la puissance royale n’aurait pu obtenir de moi. Il m’en coûtera ma fortune ; mais c’est peu de chose