Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/36

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peine que les sentiments de mademoiselle de Chartres ne passaient pas ceux de l’estime et de la reconnaissance ; et il ne pouvait se flatter qu’elle en cachât de plus obligeants, puisque l’état où ils étaient lui permettait de les faire paraître sans choquer son extrême modestie. Il ne se passait guère de jours qu’il ne lui en fît ses plaintes. Est-il possible, lui disait-il, que je puisse n’être pas heureux en vous épousant ? Cependant il est vrai que je ne le suis pas. Vous n’avez pour moi qu’une sorte de bonté qui ne me peut satisfaire ; vous n’avez ni impatience, ni inquiétude, ni chagrin ; vous n’êtes pas plus touchée de ma passion que vous le seriez d’un attachement qui ne serait fondé que sur les avantages de votre fortune, et non pas sur les charmes de votre personne. Il y a de l’injustice à vous plaindre, lui répondit-elle ; je ne sais ce que vous pouvez souhaiter au-delà de ce que je fais, et il me semble que la bienséance ne permet pas que j’en fasse davantage. Il est vrai, lui répliqua-t-il, que vous me donnez de certaines apparences dont je serais content s’il y avait quelque chose au-delà ; mais, au lieu que la bienséance vous retienne, c’est elle seule qui vous fait faire ce que vous faites. Je ne touche ni votre inclination ni votre cœur, et ma présence ne vous donne ni de plaisir ni de trouble. Vous ne sauriez douter, reprit-elle, que je n’aie de la joie de vous voir ; et je rougis si souvent en vous voyant, que vous ne sauriez douter aussi que votre vue ne me donne du trouble. Je ne me trompe pas à votre rougeur, répondit-il ; c’est un sentiment de modestie, et non pas un mouvement de votre cœur, et je n’en tire que l’avantage que j’en dois tirer.