Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/58

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qu’il avait d’être incapable de devenir amoureux, et sur ce qu’il ne se faisait qu’un plaisir, et non pas un attachement sérieux du commerce des femmes. Ce n’est pas, ajouta-t-elle, que l’on ne l’ait soupçonné d’avoir une grande passion pour la reine dauphine ; je vois même qu’il y va très-souvent, et je vous conseille d’éviter autant que vous pourrez de lui parler, et sur-tout en particulier, parce que, madame la dauphine vous traitant comme elle fait, on dirait bientôt que vous êtes leur confidente, et vous savez combien cette réputation est désagréable. Je suis d’avis, si ce bruit continue, que vous alliez un peu moins chez madame la dauphine, afin de ne vous pas trouver mêlée dans des aventures de galanterie.

Madame de Clèves n’avait jamais ouï parler de M. de Nemours et de madame la dauphine : elle fut si surprise de ce que lui dit sa mère, et elle crut si bien voir combien elle s’était trompée dans tout ce qu’elle avait pensé des sentiments de ce prince, qu’elle en changea de visage. Madame de Chartres s’en aperçut : il vint du monde dans ce moment ; madame de Clèves s’en alla chez elle, et s’enferma dans son cabinet.

L’on ne peut exprimer la douleur qu’elle sentit de connaître, par ce que lui venait de dire sa mère, l’intérêt qu’elle prenait à M. de Nemours : elle n’avait encore osé se l’avouer à elle-même. Elle vit alors que les sentiments qu’elle avait pour lui étaient ceux que M. de Clèves lui avait tant demandés ; elle trouva combien il était honteux de les avoir pour un autre que pour un mari qui les méritait. Elle se sentit blessée et