Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

néanmoins par aucun démêlé, mais ils étaient opposés en tout. Ils étaient toujours de différent parti dans les courses de bagues, dans les combats à la barrière, et dans tous les divertissements où le roi s’occupait ; et leur émulation était si grande, qu’elle ne se pouvait cacher.

L’affaire d’Angleterre revenait souvent dans l’esprit de madame de Clèves : il lui semblait que M. de Nemours ne résisterait point aux conseils du roi et aux instances de Lignerolles. Elle voyait avec peine que ce dernier n’était point encore de retour, et elle l’attendait avec impatience. Si elle eût suivi ses mouvements, elle se serait informée avec soin de l’état de cette affaire ; mais le même sentiment qui lui donnait de la curiosité, l’obligeait à la cacher ; et elle s’enquérait seulement de la beauté, de l’esprit, et de l’humeur de la reine Élisabeth. On apporta un de ses portraits chez le roi, qu’elle trouva plus beau qu’elle n’avait envie de le trouver ; et elle ne put s’empêcher de dire qu’il était flatté. Je ne le crois pas, reprit madame la dauphine, qui était présente ; cette princesse a la réputation d’être belle, et d’avoir un esprit fort au-dessus du commun, et je sais bien qu’on me l’a proposée toute ma vie pour exemple. Elle doit être aimable, si elle ressemble à Anne de Boulen sa mère. Jamais femme n’a eu tant de charmes et tant d’agrément dans sa personne et dans son humeur. J’ai ouï dire que son visage avait quelque chose de vif et de singulier, et qu’elle n’avait aucune ressemblance avec les autres beautés anglaises. Il me semble aussi, reprit madame de Clèves, que l’on dit qu’elle était née en France. Ceux qui l’ont