Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/120

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conformes à mon âge et à mon humeur. Un gentilhomme de mes voisins me mena chez M. le comte de Mailly, qui passait l’automne dans une terre peu éloignée de la mienne. Il fit de son mieux pour me bien recevoir ; mais la beauté de mademoiselle de Mailly, sa fille, qui était avec lui, aurait pu lui en épargner le soin. Je n’ai point vu de traits plus réguliers ; et, ce qui se trouve rarement ensemble, plus de grâce et d’agrément. Son esprit répond à sa figure, et je crus la beauté de son âme supérieure à l’un et à l’autre. Je l’aimai aussitôt que je la vis ; je ne fus pas longtemps sans le lui dire. Mais, quoiqu’elle m’ait flatté souvent depuis, que son cœur s’était déclaré d’abord pour moi, je n’eus le plaisir de l’entendre dire, que lorsque mon amour fut approuvé par M. de Mailly.

Le consentement de mon père manquait seul à mon bonheur : je me disposai à aller le lui demander ; et, bien sûr de l’obtenir, je partis sans affecter une tristesse que je ne sentais pas. C’était presque ne point quitter mademoiselle de Mailly, que d’aller travailler à ne m’en plus séparer. Je lui disais naturellement tout ce que je pensais. Je n’en suis point étonnée, me répondit-elle ; les occupations que vous allez avoir, dont je suis l’objet, vous tiendront lieu de moi : ma situation est bien différente, je vais être sans vous, et je ne ferai rien pour vous.

Mon père reçut la proposition du mariage comme je l’avais espéré : il se disposait même à partir avec moi ; mais tous nos projets furent renversés par une lettre qu’il reçut du roi ; ce prince lui mandait qu’il allait remettre les Flamands dans leur devoir ; qu’il