Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Ne perdez point de temps pour vous éloigner d’un lieu où l’on conspire votre perte. Je devrais peut-être me ranger du côté de vos ennemis ; mais, malgré votre trahison, je me souviens encore que je vous ai aimé, et je sens que mon indifférence pour vous sera plus assurée, lorsque je n’aurai rien à craindre pour votre vie. »

Moi ! des trahisons ! s’écria M. de Châlons, lorsque M. de Canaple eut achevé de lire ; et c’est mademoiselle de Mailly qui m’en accuse ! elle veut que je sois coupable ! elle veut que je ne l’aie pas bien aimée ! Comprenez-vous, ajouta-t-il, la sorte de douleur que j’éprouve ? Non, vous ne la comprenez pas ; il faut aimer pour savoir que la plus grande peine de l’amour est celle de ne pouvoir persuader que l’on aime. Hélas ! on ne m’a peut-être manqué que par vengeance ! Grand dieu ! que je serais heureux ! tout serait pardonné, tout serait oublié, si je pouvais penser que j’ai toujours été aimé ! Je ne puis vivre dans la situation où je suis. Il faut, mon cher Canaple, que vous alliez à Calais, que vous parliez à mademoiselle de Mailly. Votre nom vous donnera facilement l’entrée de la maison de son père ; mais ne lui dites rien qui puisse l’offenser : je mourrais de douleur si je l’exposais à rougir devant vous ; je veux seulement qu’elle sache à quel point je l’aime encore.

Le comte de Canaple, que sa propre expérience rendait encore plus sensible à la douleur de son ami, partit pour Calais, après avoir pris quelque instruction plus particulière.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.