Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/135

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nos deux ennemis furent blessés et désarmés : Je vous demande pardon, me dit Clisson, de vous avoir engagé à tirer l’épée contre un homme avec qui il y avait si peu de gloire à acquérir ; mais, si je n’ai pu fournir un assez noble exercice à votre courage, je puis, si vous voulez me suivre, donner à votre générosité un emploi digne d’elle. J’assurai Clisson qu’il pouvait compter sur moi.

Sans perdre un instant, nous nous éloignâmes du lieu du combat ; nous traversâmes la ville, et nous allâmes descendre dans une maison qui était à l’autre bout du faubourg. Deux femmes masquées nous y attendaient. Clisson en prit une, qu’il mit devant lui sur son cheval, et me pria de me charger de l’autre. Dans la disposition où j’étais, j’avoue que, si j’eusse cru qu’il eût été question d’enlever une femme, je ne me serais pas prêté avec tant de facilité à ce qu’on exigeait de moi ; mais il n’y avait plus moyen de reculer. Nous marchâmes avec le plus de vitesse qu’il nous fut possible : la lassitude de nos chevaux nous obligea de nous arrêter, sur la fin du jour, dans un village où, par bonheur, nous en trouvâmes d’autres qui nous menèrent à Ypres. Comme nous n’étions plus sur les terres de France, nos dames, qui avaient grand besoin de repos, y passèrent la nuit.

Ce ne fut que là où j’appris qu’elle était cette aventure, où vous voyez que j’avais cependant tant de part ; les miennes propres m’occupaient trop pour laisser place à la curiosité. Clisson m’apprit qu’à son retour d’Angleterre, où il avait passé avec la comtesse de Montfort, lui et M. de Mauny s’étaient arrêtés à Calais ; qu’ils