Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/141

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été plus cruellement déchiré, que lorsque je l’ai cru coupable. Mais, dit encore le comte de Canaple, ne m’expliquerez-vous point les motifs d’une conduite qu’il importe tant à M. de Châlons de savoir ? Il n’en serait pas moins malheureux, reprit-elle, et j’aurais dit ce que je ne dois point dire. Qu’il lui suffise que la fortune seule a causé ses malheurs et les miens ; que j’avais peine à cesser de l’aimer dans un temps où je croyais ne pouvoir plus l’estimer. Plût à Dieu, dit-elle, en poussant un profond soupir, avoir toujours cru en être aimée ! Si je puis encore lui demander quelque chose, je lui demande de s’éloigner d’un lieu où sa présence ne fait qu’augmenter mes maux.

Malgré le respect de M. de Châlons pour mademoiselle de Mailly, il n’aurait pu se soumettre à ses ordres, si son honneur et son devoir ne l’avaient obligé d’obéir à ceux qu’il reçut du roi. M. de Canaple et lui furent mandés à Paris, pour délibérer sur la campagne prochaine.

Madame de Granson y était arrivée depuis quelques jours, pour secourir son mari, qui avait été dangereusement malade. Il l’aurait volontiers dispensée de tant de soin. Son cœur n’avait pu demeurer oisif au milieu d’une cour qui respirait la galanterie : les belles femmes qui la composaient avaient eu part tour à tour à ses hommages. Madame de Montmorency était la dernière à qui il s’était attaché, et sa passion pour elle durait encore, lorsqu’il tomba malade.

Madame de Granson ne s’aperçut pas d’abord de l’indifférence dont on payait ses soins ; ou, si elle s’en aperçut, elle l’attribua à l’état où était M. de Granson ;