Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/167

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grâce, comment je vous suis connu, et par quel bonheur vous avez pris de moi une idée si avantageuse.

Mon nom est d’Arondel, reprit-il ; à l’égard de ce que vous désirez apprendre de plus, je ne puis vous satisfaire qu’en vous faisant l’histoire d’une partie de ma vie. Vous verrez, par le secours que je vous demanderai, et par l’importance des choses que j’ai à vous dire, que ma confiance n’a pas besoin d’être appuyée sur une connaissance plus particulière. Mais ce récit, poursuivit-il, en se levant pour sortir, demande plus de temps que je n’en ai présentement ; je craindrais, d’ailleurs, de vous fatiguer par une trop longue attention.

Milord d’Arondel avait raison de penser que son prisonnier n’était pas en état de l’entendre ; il n’avait pas plutôt entendu prononcer son nom, qu’il avait été saisi d’un tremblement universel et si grand, que les gens chargés de le servir, s’en étant aperçus, vinrent à lui pour le secourir ; mais leurs soins, qu’il ne devait qu’à une main odieuse, furent rejetés avec une espèce d’emportement : il ordonna d’un ton si ferme qu’on le laissât en repos, qu’il fallut lui obéir.

Dans quel abîme de maux se trouvait-il plongé ! Cet homme qui avait détruit toute sa félicité, cet homme pour qui il avait une haine si légitime, était le même qui lui avait sauvé la vie, et qui achevait de l’accabler par la générosité et la franchise de ses procédés. Il me demande mon secours, disait-il, apparemment pour achever de m’arracher le cœur ; car quel autre besoin pourrait-il avoir de moi que celui de le servir dans son amour ?

Quoi ! j’ai été si parfaitement oublié qu’il n’a jamais