Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/184

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secours, et je le lui aurais donné, quand même elle m’aurait fait une véritable offense. Madame de Mailly me trouva, à son retour, chez elle : elle affecta une tristesse qui cachait une joie maligne, que j’apercevais malgré son art, et qui me donnait la plus grande indignation. Je me contraignis cependant ; il fallait plus que jamais ne lui pas déplaire.

Comme elle n’osait contraindre sa belle-fille jusqu’à un certain point, il m’était facile de lui parler. Je ne sais où j’en suis, me dit-elle au retour de la visite dont nous étions convenus, mademoiselle de Roye est absolument changée ; la vue d’une cérémonie qui ne l’intéressait que pour lui rappeler peut-être un peu plus vivement qu’il s’en ferait quelque jour une pareille pour elle, la mit dans l’état où vous la vîtes et où vous la secourûtes ; et aujourd’hui il semble qu’elle est pressée de hâter un moment qu’elle redoutait si fort ; je suis effrayée de sa tranquillité ; elle me peint une âme qui n’est au-dessus de son malheur, que parce qu’elle en prévoit la fin. Quelle perspective pour une fille si accomplie, que de n’envisager d’autre changement à sa fortune que la mort !

Ce que me disait mademoiselle de Mailly me faisait frémir ; elle en frémissait comme moi. Hélas ! me disait-elle, si les persécutions qu’on me fait pour épouser M. du Boulai ne cessent point, je prendrai bientôt le même parti, et je ne le prendrai pas avec moins de répugnance ; car je suis sûre que mademoiselle de Roye pense de même qu’elle a toujours pensé. Ces petits riens qui remplissent la tête de toutes ces filles enfermées ne sauraient trouver place dans la sienne ; elle