Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/198

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reur de ma situation. À qui me confierai-je pour donner le jour à cet enfant qui m’est mille fois plus cher, parce qu’il est à vous ? Comment faire pour vous le conserver, et sa malheureuse mère ? C’est pour vous que je cherche à vivre ; c’est pour vous que je crains de mourir. Je connais votre cœur, comme vous connaissez le mien ; vous mourriez de ma mort. Voilà le fruit de cette tendresse qui devait faire notre bonheur ! Quelle différence de ces temps heureux où nous étions ensemble, où nous nous disions cent fois dans un moment que nous nous aimions, que nous nous aimerions toujours ! Ce souvenir, que je rappelle sans cesse, augmente encore l’abîme où je suis. Je me trouve seule dans l’univers : je n’ai que vous ; je mettais ma félicité à n’avoir que vous, et je vous perds ! Ne craignez rien de ma part : la honte que j’essuierai, plus terrible que la plus affreuse mort, ne m’arrachera jamais un secret qu’il vous importe de tenir caché, puisque vous ne l’avez point découvert. Le ciel, qui connaît mon innocence, qui m’a fait une loi du plus doux penchant de mon cœur, qui veut que je vous aime et que je vous obéisse, aura pitié de moi et sauvera ma réputation. Conservez-vous, c’est votre Amélie qui vous en prie, baignée de ses larmes ! Conservez-vous, encore une fois ! il ne vous reste que ce moyen de me marquer que vous m’aimez. »

Il me serait impossible de vous peindre l’état où je me trouvai après la lecture de cette lettre. La pitié et l’honneur auraient suffi seuls pour m’intéresser au sort de madame d’Arondel : jugez ce que l’amour le