Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/218

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et des triomphes de mademoiselle de Mailly, M. de Canaple voyait couler les larmes qu’elle donnait à la mort de M. de Châlons, et n’avait plus la force de lui laisser des espérances qui lui paraissaient alors absolument fausses. Quoi ! lui disait-elle, je n’ai plus de ressource ! il est donc certain qu’il a péri ! hélas ! du moins s’il avait pu savoir tout ce qu’il m’a coûté, s’il savait que je ne renonçais à lui que pour lui-même ! Nous n’aurions jamais été l’un à l’autre, s’il avait vécu ; mais il vivrait, et il aurait vu que je n’aurais jamais été à personne. Vous êtes attendri, dit-elle au comte de Canaple, vous regrettez encore un ami que vous aimiez. Vous vous consolerez, ajouta-t-elle ; l’amitié se console ; et je ne me consolerai jamais. Mon parti est pris ; j’irai m’enfermer dans un lieu où je pleurerai seule, et où je m’assurerai de pleurer éternellement.

L’attachement que vous avez pour monsieur votre père, lui dit le comte de Canaple, mettra obstacle à votre résolution, et me rassure contre cet effet de votre douleur. Hélas ! reprit-elle, il a causé tout mon malheur ; je ne le lui reproche pas : il a été faible ; et ne l’est-on pas toujours quand on aime ! Que sais-je moi-même de quoi j’aurais été capable, si j’avais eu un amant moins vertueux ? mon cœur était entre ses mains.

M. de Canaple admirait une façon de penser si raisonnable et si peu ordinaire. Il s’affligeait avec mademoiselle de Mailly de la perte qu’elle pensait avoir faite, et s’affligeait aussi de ses propres maux. Croire être haï de ce qu’on aime, est une douleur peut-être plus insupportable que d’en pleurer la mort.

Les principaux habitants de Calais, qui l’avaient