Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/259

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que dans les couvents : les filles qui y sont renfermées, dans le besoin continuel où elles sont d’une infinité de petites choses, regardent avec respect celles dont elles espèrent de les recevoir ; aussi eus-je bientôt une cour assidue. Loin de s’occuper à me corriger, on me louait à l’envi. J’étais la plus aimable enfant qu’on eût jamais vue. On me donnait partout la première place, et on me remplissait la tête de mille impertinences. Mon père et ma mère, charmés de ce qu’on leur disait de moi, redoublaient leurs présents, et j’en étais encore mieux gâtée. J’étais parvenue à ma quatorzième année, que je n’avais encore reçu ni chagrin, ni instruction. Une petite aventure qui m’arriva me donna l’un et l’autre.

Ma gouvernante me faisait manger quelquefois au réfectoire, pour étaler aux yeux de mes compagnes ma magnificence. Je faisais part à mes complaisantes de ce qu’on me servait ; les autres n’en tâtaient pas : c’était une leçon que ma gouvernante m’avait donnée, que je suivais cependant avec peine : il y avait dans le fond de mon cœur quelque chose qui répugnait à tout ce qu’on me faisait faire.

Mademoiselle de Renonville, d’une des premières maisons de Picardie, aussi sottement fière de sa noblesse qu’on voulait que je le fusse de mes richesses, ne s’était jamais abaissée à venir chez moi : elle fit plus ce jour-là ; elle s’empara de la place que j’avais coutume d’occuper. J’allais en prendre une autre, quand ma gouvernante, offensée de ce manque de respect, s’avisa de vouloir me faire rendre la mienne.

Cette dispute fut longue et vive. La Renonville