Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/265

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Un homme qui eût été de la cour lui eût fait tourner la tête ; mais ces messieurs ont aussi leurs maximes : il serait du dernier ridicule d’accorder des soins suivis à une bourgeoise, et de s’y attacher sérieusement.

Ma présence ne nuisait à rien. L’usage qui ne permettait pas à une mère d’avoir des prétentions quand sa fille paraissait dans le monde était changé dès ce temps-là ; chacune avait ses adorateurs : il arrivait même assez souvent que l’on commençait par la mère, surtout lorsqu’il était question de mariage.

Entre les familiers de la maison, le chevalier de Dammartin était le plus autorisé ; c’est lui qui donnait le ton. La malignité, plus encore la vanité, le rendaient caustique et médisant ; il méprisait tout le monde, pour s’estimer plus à son aise. À force de parler contre la noblesse des autres, on s’était persuadé l’excellence de la sienne : la même voie lui avait acquis la réputation de vertu et de probité. Il s’était établi juge. Il décidait souverainement en tout genre ; mais il ne parlait pas tous les jours. Il était établi qu’il avait de l’humeur, on la respectait ; je crois en vérité qu’on lui en faisait un mérite. Mon père était le seul pour qui il n’en eût point ; il lui souriait même quelquefois : il est vrai que cette faveur précédait toujours quelques emprunts, qu’on ne rendait jamais.

Les autres hommes qui nous faisaient l’honneur de venir se moquer de nous étaient la plupart des petits-maîtres : beaucoup de suffisance, un babil intarissable, une très grande ignorance, un souverain mépris pour les mœurs, nuls principes : vicieux par air, et débauchés par oisiveté ; voilà ce qu’ils étaient tous.