Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/268

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devait s’accomplir. Ma mère, avide de tous les lieux où l’on pouvait se montrer, retint une loge pour la première représentation d’une pièce. Nous devions y aller avec une duchesse qui nous avait prises pour pis-aller, et qui trouva une compagnie plus convenable.

Nous voilà donc, ma mère et moi, seules dans le premier balcon. Le théâtre était plein de tout ce qu’il y avait de gens de condition à la cour et à la ville. Ma mère, pour jouir de la gloire de connaître la plupart d’entre eux, ne cessait de faire des révérences. Pour moi, uniquement occupée du plaisir d’entendre la pièce, et du soin de cacher les larmes qu’elle me faisait répandre, je ne voyais personne ; mais l’impatience d’entendre le bruit que faisait le marquis du Fresnoi, attira mes regards sur lui. Il disputait sur le mérite de la pièce avec un homme que je ne connaissais point, ou plutôt il lui reprochait de l’écouter ; car ces messieurs condamnent ou approuvent, sans savoir le plus souvent de quoi il est question. Comme il vit que je le regardais, qu’il entendait qu’on se récriait autour de lui sur ma beauté, il crut qu’il pouvait, sans se faire tort, venir un moment dans notre loge.

Je m’aperçus que celui avec qui il avait parlé lui demanda avec empressement, lorsqu’il eut repris sa place, qui nous étions. C’est la fille et la femme d’un homme d’affaires, répondit-il : la fille est jolie, comme vous voyez ; de plus ils ont un bon cuisinier ; voilà ce qui m’a fait faire connaissance avec eux. Vous n’êtes donc point amoureux, dit celui à qui il parlait ? Mais comme cela, répondit M. du Fresnoi. Si vous n’avez rien de mieux à faire, je vous y mènerai souper ce