Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/274

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Barbasan n’en passait plus sans nous voir. Comme je n’examinais point mes sentiments, je ne me donnais pas le tourment de les combattre. Il s’établissait cependant une intelligence entre M. de Barbasan et moi. Nous nous faisions de petites confidences sur tous ceux de la société : un coup-d’œil nous avertissait l’un et l’autre que le ridicule ne nous échappait pas. Notre intérêt conduisait nos remarques : les femmes, si elles étaient jolies, attiraient mes railleries ; et les hommes, surtout ceux qui voulaient être amoureux de moi, celles de Barbasan,

Je n’étais plus si pressée d’aller voir Eugénie : l’amitié devient bien faible, quand on commence à être occupé de sentiments plus vifs ; et, si elle reprend ses droits, ce n’est que lorsque le besoin de la confiance la rend nécessaire. Je n’en étais pas encore là. Lorsque je la revis, et que je voulus, comme à mon ordinaire, lui conter ce que j’avais fait et ce que j’avais vu de nouveau, je me trouvai embarrassée ; mon cœur battit bien fort, quand il fallut nommer le comte de Barbasan. Il semblait qu’Eugénie me devinait : elle me fit plusieurs questions sur son compte ; je ne pus résister au plaisir d’en dire du bien ; et, dès que j’eus commencé à parler de lui, je ne sus plus m’arrêter ; je parlai de sa figure, de son esprit, de sa sagesse.

Il se déguise peut-être mieux, dit Eugénie. Oh ! pour cela, non, répondis-je avec vivacité ; je l’ai bien examiné. Pourquoi cet examen, répliqua-t-elle ? Je meurs de peur qu’il ne vous plaise plus qu’il ne faudrait. Prenez garde à vous, mon enfant : quel mal-