Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/290

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pouvoir que ma femme. Pouvais-je lui résister ? elle m’aimait alors ; je l’adorais. Hélas ! poursuivit-il avec un soupir, c’est parce que je l’adorais qu’il eût fallu lui résister ! je l’ai livrée aux conseils pernicieux que donnent les exemples, et je meurs de la malheureuse certitude où je suis qu’elle les a trop suivis. Que m’importe après tout, continua-t-il, en essuyant quelques larmes ! c’est une raison de plus pour mourir sans faiblesse.

Ah ! mon père, m’écriai-je, en me jetant à genoux auprès de son lit, et en prenant ses mains que je baignais de mes larmes, par pitié pour moi, écartez des idées qui me tuent ! Voulez-vous m’abandonner ? Que ferais-je ! que deviendrais-je sans vous ! La douleur me suffoquait : je restai la tête penchée sur le bord du lit.

Mon père m’embrassa : Votre affliction, ma fille, me dit-il, me fait encore mieux sentir le procédé des autres. Elle m’a pourtant aimé, ajouta-t-il ; mais elle ne m’aime plus. Vous ne devez pas craindre qu’elle vous presse à l’avenir pour le marquis de N… Je prévois ses desseins pour vous, ma chère Pauline ; ne prenez, s’il vous est possible, un mari que du consentement de votre raison : défiez-vous de votre cœur ; ou, si vous l’écoutez, promettez-moi du moins de mettre à l’épreuve celui qu’il nommera : je vais vous en donner le moyen. Voilà un petit porte-feuille qui contient presque tout mon bien : celui qui paraîtra après ma mort ne sera pas assez considérable pour que l’on songe à vous épouser par des vues d’intérêt. Si c’est un homme d’un rang élevé, vous récompen-