Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/318

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raison, comme l’auteur de mes malheurs) me donna une vivacité et une suite que l’intérêt n’aurait jamais pu me donner : je sus bientôt mon affaire mieux que mes avocats.

La beauté ne produit pas toujours de l’amour, mais elle nous rend toujours intéressantes pour les hommes, même les plus sages. La mienne me donnait un accès facile auprès de mes juges, et ajoutait un nouveau poids à mes raisons : elle fit encore plus d’impression sur M. le président d’Hacqueville, l’un des plus accrédités par sa naissance, par sa place, et surtout par l’estime qu’il s’était acquise. Il me déclara, à la troisième ou quatrième visite que je lui rendis, qu’il ne pouvait plus être de mes juges : Ne m’en demandez point la raison, ajouta-t-il ; je n’oserais vous la dire ; je me borne à souhaiter que vous daigniez la deviner.

Mon embarras lui fit voir que je la devinais. Nous gardions tous deux le silence, quand mon avocat, qui s’était arrêté avec quelqu’un dans la chambre, entra dans le cabinet ; sa présence fit également plaisir à M. d’Hacqueville et à moi ; car son embarras était égal au mien ; mais il se remit assez promptement. Je ne serai pas, lui dit-il, des juges de mademoiselle ; je veux la servir plus utilement : venez demain au matin, et m’apportez ses papiers ; nous irons ensuite rendre compte à mademoiselle de ce que nous aurons fait.

Je sortis sans avoir prononcé une parole. Ne craignez point, me dit le président en me donnant la main, de recevoir des services dont je ne demande et dont je n’attends d’autre récompense que la satisfaction de vous les rendre.