Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/326

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années. Je voudrais, si vous avez à embrasser la retraite, que vous connussiez un peu plus le monde ; vous y verriez bien des choses qui vous feraient peut-être trouver votre condition moins fâcheuse.

Madame de Polignac, sœur de madame du Paraclet, qui était veuve et qui avait passé le temps de son deuil dans cette maison, se mêla à cette conversation : les deux sœurs aimaient mademoiselle d’Essei comme leur propre fille, et, sans le lui dire, elles espéraient toujours que son extrême beauté pourrait lui donner un mari.

Une affaire assez considérable obligea madame de Polignac d’aller à Paris, dans le temps que les fêtes du mariage du roi y attiraient tout ce qu’il y avait de plus considérable en France. Elle n’eut pas beaucoup de peine à obtenir de sa sœur qu’elle lui confiât mademoiselle d’Essei, pour la mener avec elle.

Le comte de Blanchefort, qui faisait la même route, les rencontra au premier gîte : il fit demander à madame de Polignac, dont il était fort connu, la permission de la voir ; il passa la soirée avec elle ; il se plaignit, dans la conversation, que son équipage s’était rompu en chemin, et qu’il se trouvait très embarrassé. Madame de Polignac lui offrit une place : son offre fut acceptée ; ils partirent tous trois le lendemain.

Mademoiselle d’Essei, qui n’avait jamais vu que son couvent, parlait peu ; mais elle disait si bien le peu qu’elle disait, sa beauté simple, naïve et sans art, qu’elle semblait même ne pas connaître, la rendait si touchante, que le comte de Blanchefort ne put se défendre de tant de charmes. Il mit en usage, pen-