Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quel reproche ne se fit-elle point, quand elle fut seule ! Me voilà donc, disait-elle, ce que j’ai craint d’être ! me voilà coquette ! j’ai deux amants, et je sais bien qu’ils peuvent tous deux se flatter d’avoir des droits sur mon cœur. Comment pourrai-je, après ce que je lui ai dit, soutenir les regards du marquis de la Valette en présence du comte de Blanchefort ? Et, comment pourrai-je agir avec ce dernier comme j’ai fait jusqu’ici, puisque j’ai donné lieu à un autre de croire que je le préférais ? Les femmes dont la conduite est la plus blâmable ont commencé comme je fais. Il faut m’arracher à cette indignité ; il faut renoncer à ces frivoles espérances d’établissement ; il faut retourner dans mon couvent ; il m’en coûtera moins de vivre dans la solitude, que d’avoir des reproches légitimes à me faire.

Mademoiselle d’Essei était dans cette disposition ; elle voulait en parler à madame de Polignac, quand elle vit entrer dans sa chambre mademoiselle de Magnelais : elles s’embrassèrent avec beaucoup de marques de tendresse. Mademoiselle de Magnelais était arrivée la veille de la campagne, où elle était depuis plusieurs mois. Après les premières caresses, elles se demandèrent des nouvelles de ce qui leur était arrivé depuis leur séparation.

Mademoiselle d’Essei n’était pas assez vaine pour faire un étalage de ses conquêtes, et d’ailleurs elle était si mécontente d’elle dans ce moment, qu’elle avait encore moins d’envie de parler : elle dit simplement que madame de Polignac avait souhaité de la garder quelque temps, et qu’elle retournerait dans peu de jours au Paraclet.